TOC, 16/01/06, Viêt Nam,TERRE DES OUBLIS

Cette grande dame de let­tres vietnamienne écrit dans une langue romantique complètement assumée, «seule capable pour elle d'évoquer la beauté ». Elle est aussi une formidable paysagère. Elle possède une écriture de la lumière, des odeurs, qui sait rendre jusqu'aux bruissements du vent.

 

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Télérama n° 2922 - 11 janvier 2006

Les hommes de Miên

Si Terre des oublis reste une fiction de contestation, c’est surtout un grand roman social, une histoire déchirante dans un pays marqué par la guerre.

 

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Nouvel Observateur

Semaine du jeudi 26 janvier 2006 - n°2151 - Livres

Le coup de coeur de Frédéric Vitoux

 

Balzac au Vietnam

Le roman balzacien, autrement dit le grand roman du XIXe siècle, qui est à la fois étude de moeurs, analyse psychologique, tableau politique et social, où s'est-il réfugié aujourd'hui ? Après la lecture (ô combien recommandable !) de « Terre des oublis », on serait tenté de répondre : au Vietnam !

 

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Psychologies

ENVOÛTANT

 

Il est des livres qui nous envahissent et que l'on ne quitte qu'à regret, déjà nostalgique d'un monde qui nous a entrouvert ses portes.

Tel est l'effet que produit le roman de la Viet­namienne Duong Thu Huong, peuplé de personnages ployant sous le poids d'un des­tin forgé dans les affres de l'après-guerre.

Dans ces quêtes de bonheur qui semblent impossibles, le grand talent de Duong,Thu Huong est de ne pas nous laisser prendre parti. Tour à tour, chaque personnage nous hante, nous attendrit, nous émeut... Parce qu'avec chacun d'entre eux nous partageons cette recherche incessante de l'amour.

 

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DS

Nathalie Cottin

Duong Thu Huong a un vrai talent de conteuse et une écriture fluide, imprégnée du lyrisme ténu propre à sa culture. C'est ainsi que l'on se laisse gagner par l'em­pathie qu'elle éprouve pour ses personnages et par la découverte d'un pays auquel elle est profondément attachée. Miroir des réalités endurées par tout un peu­ple, ce roman est aussi un somptueux voyage dans les territoires reculés du Vietnam.

 

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Royaumes perdus et retrouvés

par Daniel Rondeau

L’EXPRESS, 12-02-2006

Au centre du triangle humain de Terre des oublis, un univers de souffle, aux dimensions cosmiques, le Vietnam.

 

Trois courbes de vie ligotées par le destin, foudroyées par une conjonction où la nouvelle situation de chacun paraît sans issue. Cette œuvre fait vivre de façon magnifique et nuancée le chant tragique de ces trois existences.

Il faut dire tout de suite que Terre des oublis appartient à cette catégorie de romans qui inventent au fil des pages leur inspiration, leur acuité, leur tempo et leur forme. Au centre du triangle humain, un univers de souffle, aux dimensions cosmiques, le Vietnam. Ce pays est le quatrième personnage du livre, raconté par une prose fluide et évocatrice, où se glisse la poésie. Des souvenirs, des espérances, des paysages, des clairs de lune, des vallées couvertes de fleurs éphémères, des plantations, des collines, des cerfs, des daims, mais aussi des hommes brûlés par les bombes et la dioxine, des cadavres déchiquetés par des vautours, les âmes des morts qui prennent beaucoup de place, des masures à toit de feuilles, des villas somptueuses, des jalousies et des haines fraternelles, le poids de la rumeur de la foule.

Ce roman est celui de l'amour, des passions enchaînées, des métamorphoses et des cicatrices, de la fragilité des royaumes perdus et retrouvés.

Méditation sur la puissance de la vie, ce chef-d'œuvre de Duong Thu Huong nous fait entrer dans l'intimité d'un pays, mais aussi dans d'étranges contrées où les hommes ne cessent d'interroger leurs vérités intérieures pour s'approcher, non sans crainte, des secrets de leurs errances.

 

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Figaro Magazine

Manuel Carcassonne

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La louve solitaire de Hanoi

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Heureusement, il y a son livre : 800 pages d'une fresque impres­sionnante, Intime et historique à la fois, et surtout un plaisir de lec­ture comme on n'en a pas connu depuis les bancs de l'école !

La romancière écrit large, gé­néreusement, en voluptés casca­dantes, en sensations corus­cantes, se réincarnant à chaque page en insecte éphémère qui meurt à l'aube, en fruit juteux, en femme agenouillée dans les ri­zières, en soldat perdu dans les brûlures de la guerre entre Laos et montagnes vertes, fantômes du passé et illusions du présent.

Jamais ne la quitte l'appétit du détail charnel, sensualisme sou­dain qui caresse ou cingle : « Sapeau scintille dans la lumière des chandelles, blanche comme le lard gelé ou la coquille des oeufs. Il a la peau de Miên. Peut-être aussi celle de son père, le mari de Miên de­puis plus de sept ans. »

La romancière anime un théâtre où jouent les masques co­lorés du Vietnam ancestral, joie, souffrance, honneur bafoué, ma­ternité triomphante, personnages rusés des villes ou victimes mi­nuscules de l'Histoire. Telle une dramaturge, elle alterne les scènes d'un comique solide avec les larmes d'une tragédie populaire, elle oppose les campagnes et les villes, les corrupteurs et les cor­rompus. Nous allons vite d'une condition à l'autre.

Terre des oublis, qui est son sixième roman publié en français, descend si loin dans la profondeur blessée des caractères humains qu'on suppose que Duong Thu Huong, à l'école des baïonnettes et des slogans, de la prison et de la privation, a connu et éprouvé le spectre si intense des sensations ici déployées.

 

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LE FIGARO, 11/02/2006

VIETNAM MON AMOUR

 

Sur ce canevas très classique, Duong Thu Huong tisse une oeuvre magique. En s'attachant, jusqu'au plus sombre de leurs pensées, à ces destins brisés, elle dresse avec précision et délicatesse le portrait de ces trois êtres perdus, mais aussi celui d'un Vietnam écartelé entre politique et sentiments.

Il faut en éprouver l'écho dans l'évocation des bruissements et des couleurs du Vietnam. Duong Thu Huong porte la littérature à son acmé. Nous fait plonger au coeur de la chair et de l'esprit,

dans des ténèbres traversées d'éclats de lumière. Chef­ d'oeuvre ? Oui.

 

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France inter

"Terre des oublis" fait presque 800 pages - C'est dire que le rythme y est lent - Qu'il suit les méandres du temps et de la pensée et que la lecture en est voluptueuse.

Vous verrez que la tristesse de tout un peuple y est tapie, que les lois auxquelles on obéit semblent surgir du font des âges, que l'on s'y révolte peu parce que personne n'est conscient de l'oppression qui pèse sur lui. Mais on y a le sang chaud et la sensualité s'exprime de façon explicite.

Vous lirez des pages qui sentent l'oranger, le basilic et le jasmin, vous passerez des moments bénis où l'on boit du thé au gingembre tandis que dehors chantent les cigales.

 

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L’Humanité

Alain Nicolas

« Je libère mes blessures, avec enthousiasme »

Duong Thu Huong décrit une fresque tragique et optimiste dans les montagnes du Vietnam.

À ce drame se nouent tous les fils des contradictions qui travaillent encore ce pays où les cicatrices de la guerre torturent encore les corps et les coeurs, où les structures traditionnelles, le pouvoir socialiste et les nécessités de la modernisation tissent une toile serrée, où les individus essaient de vivre leur destin.

 

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Duong Thu Huong l'inflexible

LE MONDE DES LIVRES | 09.02.06 | 14h36  •  Mis à jour le 09.02.06 | 14h36

Sous son regard lyrique et cruel, des êtres se contorsionnent pour faire face à leur existence.

Duong Thu Huong forge une longue tragédie placée sous le signe du dilemme moral.

A la différence du drame antique, dont l'ombre surgit ici et là, tout ne relève cependant pas de la fatalité. Car le sort, suggère l'auteur, n'est pas seulement une force venue d'en haut. Il est l'oeuvre des préjugés et des illusions, des brides que les hommes ont inventées pour contenir leurs pulsions. Très descriptif sans jamais être lassant, le roman offre un aperçu saisissant des coutumes qui donnent corps à ces "préjugés", notamment à travers quantité d'anecdotes et de personnages secondaires particulièrement savoureux. A l'opposé, il fait la part belle aux rêves, aux désirs et à l'évocation de la nature, dont l'ampleur, la luxuriance et parfois la dureté répondent aux états d'âme des êtres humains et reflètent leur part de liberté.

Que peut le destin ? Beaucoup, puisqu'il parvient à briser Bôn — la guerre fait l'objet de passages splendides —, mais pas tout, naturellement : Miên et son deuxième mari pourront trouver une issue à leur amour, prouvant ainsi que l'individu peut faire valoir des droits singuliers face aux diktats de la collectivité. Quitte à payer cette indépendance au prix fort — Duong Thu Huong en sait quelque chose.

 

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L’Express / Le vif

Weekend a aimé

Les moissons de la désolation

 

Imbibés de poésie et de mélancolie, les trois héros font résonner leur voix. Elles sont comme les cordes d'une harpe évoquant le chant endolori de la vie. Signé par une romancière viet­namienne, ce chef-d'oeuvre unit leurs itinéraires solitaires.

 

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Libération

Un mari en trop

par Claire DEVARRIEUX

Retenons leur nom, nous allons passer quelques centaines de pages en leur compagnie. Les cent premières font peur. La situation est inextricable, il n'y a aucune raison que le livre s'en sorte.

Le moteur de Terre des oublis (le livre se referme sur l'explication du titre), la force de Duong Thu Huong, c'est l'intelligence de l'amour.

 

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Le Magazine littéraire

Duong Thu Huonq, mémoire du Vietnam

Tâm Van Thi

Au fil d'une narration ma­gistrale, nous faisant passer successivement par les regards de Miên, Hoan et Bôn, le vétéran détruit, Duong Thu Huong explore le passé de trois innocents, éclairantleurs destinées in­dividuelles par l'évocation du carcan politique et moral vietnamien. Avec une écriture empreinte de délicatesse, elle évoque les histoires tragiques des pro­tagonistes sans jamais les juger. Le calvaire de Miên forcée. de partager le lit d'une « âme errante réincarnée dans [un] corps noir, [une] peau et [des] lèvres cadavériques » n'a d'égal que celui de Bôn tentant de retrouver son amour de jeunesse dans une femme froide et mutique.

 

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Marianne, 11 février 2006

La Soljenistsyne vietnamienne

Par Alexis Liebaert

Alors mettons d'entrée les cho­ses au point : oui, Duong Thu Huong est une - immense - romancière et oui, elle se bat courageusement depuis des années contre le régime communiste qui oppresse son pays. Non, chez elle la militante ne se confond pas avec l'écri­vain, et sa fureur belliqueuse, elle la réserve aux samizdats qu'elle rédige et que ses amis font circuler à travers tout le pays.

Ceux qui s'attendent à de bons vieux romans engagés à la française en seront pour leurs frais. On est dans la littérature, la grande.

On pénètre alors dans les pensées des mem­bres de ce trio condamné à l'enfer. Cha­cun, tour à tour, se confesse en une sorte de chuchotis pathétique, et le lecteur de se sentir peu à peu gagné d'une sympa­thie apitoyée pour ces vic­times d'un sort auquel elles ne sauraient s'opposer.

Mais la force de ce récit tient aussi à l'écriture (super­bement rendue par le tra­ducteur, Phan Huy Dong). Une prose d'une extraordi­naire richesse, regorgeant d'images et de métaphores subtiles. On croit sentir, on sent les odeurs très présen­tes ici, on' entend les chants des oiseaux, on touche la blancheur de la peau de Mien, l'hérdine, bref on est dans leroman. Un dernier détail, Terre des oublis compte 794 pages, mais ne prenez pas peur : arrivé à la dernière, vous trouverez le livre trop court.

 

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Page des libraires

Duong Thu Huong

Ce magnifique roman de 800 pages offre toute la place à ceux qui aiment, qui luttent, qui parlent sous un arbre en haut d'une mon­tagne : à ceux qui vivent.

De ce tri­angle indissociable, apparaissent trois sensibilités différentes, trois façons d'aimer et de composer avec ce que l'autre peut ou non lui donner. Derrière la façade d'un Vietnam prude, explosent une sensualité et une sexualité débridées ; la parole libre et parfois crue des personnages vous emmène au cœur de leurs désirs mais aussi de leur violente souffrance, au rythme d'une narration palpitante ponctuée de monologues intérieurs d'une intensité renversante. Il émane de ce livre des senteurs qui vous collent à la peau, celle des « liserons sautés à l'ail », celle de la transpiration dans les ébats des uns des autres, celle d'une savonnette américaine. Ce roman vous dépasse, vous déborde, il est éprouvant et bouleversant, c'est un voyage extraordinaire. Commencer ce roman, c'est plonger dans le Hameau de la montagne, c'est être submergé, envahi par une his­toire d'amour, c'est ne plus penser à autre chose.

 

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Temps, Suisse

destins vietnamiens au bord du naufrage

Avec Terre des oublis, la tigresse de Hanoi change encore d'éditeur et creuse un nouveau sillon dans une oeuvre qui éclaire la dimen­sion tragique de la condition vietnamienne.

Piégée, déchirée entre le passé et le présent, le devoir et le dé­goût, elle raconte ses nuits de calvaire: sur un thème qui n'est pas nouveau, la romancière greffe un récit parfois très grave, parfois brûlé par une ironie re­doutable. Duong Thu Huong n'a pas sa pareille pour décrire, sans jamais forcer le trait, les destins au bord du naufrage: Miên, la fille sacrifiée, Bôn, le vétéran bousillé par les combats. Deux victimes de l'Histoire, dans un roman qui stigmatise l'hypocri­sie d'une morale trop rigide, inhumaine et rétrograde, aux heures les plus sombres du com­munisme. Avec, en toile de fond, un Vietnam comateux, incapable d'apaiser les blessures de la guerre. Grâce à Duong Thu Huong, ce pays peut enfin af­fronter ses vérités, si douloureu­ses et dérangeantes soient-elles.

 

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Zurban, 04-01-2006

ROMAN

Fruit de la passion

Tout le roman de Duong Thu Huong est nimbé d'une atmosphère érotique. Chez cette romancière vietna­mienne le désir ne transparaît pas seulement dans le corps chaud des femmes, mais aussi dans les objets du quotidien, vêtement de soie, peigne, fleurs de flamboyant, ou fumet d'un plat à la citronnelle. Superbe.

 

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La Factory

 

par Pascale Arguedas

 

Dans ce roman fleuve de 800 pages qui charrie quelques alluvions et beaucoup d’histoires anciennes douloureuses, c’est tout le Viêt-nam et ces gens traumatisés par la guerre qui renaissent sous la plume fabuleuse de cette grande dame vietnamienne, Duong Thu Huong.

Les destins individuels qu’elle met en scène pointent l’impuissance tragique de vies tremblantes qui palpitent comme des ailes d’éphémères, soumises à d’incessantes guerres et au culte de l’héroïsme. Des vies où toute l’énergie s’enracine dans la fidélité et la résignation tenace. Un retour dicté par le devoir, un devoir établi depuis des temps lointains. Même s’il n’est écrit noir sur blanc nulle part, il est devenu la loi. Et tout arrive à cause d’un seul mot, la peur. Peur de ne pas être à la hauteur, peur d’aller à l’encontre de cette « loi », peur d’être montré du doigt.

L’auteur, avec une maestria consommée, suit le cheminement individuel de ce triangle tragique. Elle confesse chacune de ces voix. On entend alors leurs chuchotements, leurs colères, leurs raisons légitimes et contradictoires. On est si délicatement glissé dans la peau de ce trio infernal que, tout doucement, sans prendre parti, alors que l’on aurait tendance à le faire au début, on finit par comprendre leurs déchirures multiples, individuelles et collectives. Grâce aux éclairages de l’auteur, à ses cadrages particuliers qui ciblent l’un ou l’autre des protagonistes pour les réunir ensuite dans une scène de vie quotidienne, on mesure l’immense souffrance de chacun.

Le lecteur assiste à des scènes de mariages arrangés, déambule dans des bordels insalubres, mange du riz gluant crépitant dans des poêles crasseuses, traverse des rangées de flamboyants aux couleurs magnifiques qui mènent aux collines d’ananas saturées de parfum. Il a dépassé ses propres frontières, il a plongé, il y est, il y vit dans le Viêt-nam de Duong Thu Huong et il suit de près cette réalité qui est la plus nue des vérités : « L’homme au dos courbé produit, l’homme au dos droit consomme. » Alors il comprend que chacun s’efforce, à sa manière et selon ses moyens, de concilier sa propre aspiration au bonheur, au sens du devoir, à la survie. Révolte, colère, lâcheté, amour, haine, empathie. Le lecteur vit intensément cette histoire cousue en un patchwork de plusieurs vies.

Le roman est construit dans une apparente simplicité avec tant de superbe que l’effet est grandiose ! Car la forme, le style de Duong thu Huong, reconnaissables et délectables, sont toujours remarquables. Son écriture est si sobre, lyrique, poétique, évocatrice que c’en est bouleversant

Tout est réussi : la puissance narrative, le rythme, la musique, les différents registres littéraires, tels les dictons populaires, les descriptions minutieuses des paysages, des habitants, de leurs coutumes, de leurs mesquineries et de leurs grandeurs d’âme. Plan général suivi de zoom dans un contexte historique qui mène la danse macabre de ces vies ballottées.

L’auteur passe de l’individuel à l’universel avec une telle grâce qu’on cherche la baguette magique, puis on finit par se laisser aller. On se rend compte qu’on a dévoré, dégusté, fait traîner les huits cent pages, sentant la fin se dessiner à regret. Attachés, ligotés, envoûtés, aimantés par la force romanesque de Duong Thu Huong, nous restons bouche bée, méditant sur cette Terre des oublis, sur ces fichues vies pleines d’humanité contrariées par des principes et des préjugés absurdes.

On tourne la dernière page, bouleversé, ailleurs. Enfin on se ressaisit, comme Hoan qui « s’assied sur le sable, le visage tourné vers la mer, sent le vent râpé son âme. » Et l’on pense qu’on se doit de partager ce livre phénoménal.

 

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Fleur d’encre

Les protagonistes du drame, formant un triangle tragique, s’efforcent de concilier leur propre aspiration au bonheur et leur sens du devoir : leurs figures s’éclairent à travers l’évocation de leur destin individuel, grâce à de nombreux retours en arrière. Quand elle raconte l’histoire de Bôn, jeune homme misérable engagé trop tôt, quand elle évoque avec une puissance narrative bouleversante sa traversée de la jungle, traînant derrière lui le cadavre de son sergent bien aimé pour tenter malgré les vautours de lui donner une sépulture décente, l’auteur rend palpable sa détermination à retrouver son bonheur perdu.

Tous trois sont indéfectiblement attachés à la terre de leur village, à ses habitants – qui forment une galerie de personnages secondaires magnifiques et attachants –, aux odeurs, aux couleurs, aux traditions de ce pays séculaire, somptueusement évoqué.
Duong Thu Huong, une des figures maîtresses de la littérature asiatique, déploie ici un art au sommet de sa maturité : son talent est éblouissant dans l’aisance avec laquelle elle peint le moment, le territoire et les personnages de son livre. Dans la manière dont elle évoque les séquelles de la guerre et par la vision qu’elle donne de la société vietnamienne contemporaine, elle impressionne aussi par son engagement. Terre des oublis, grand roman de l’après-guerre du Viêtnam, est un livre magistral et envoûtant.

 

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LE SOIR, BELGIQUE

Tragédie vietnamienne à trois personnages, victimes de l'insensé guerrier

Du Vietnam nous vient un roman épais, chantant : Terre des oublis, de Duong Thu Huong. Une tragédie à trois personnages. Romantique. Politique. Poétique.

Mais aussi les identités secrètes des trois protagonistes. C'est l'une des réussites de ce roman. Nous donner accès aux silences de ses personnages. Nous faire entendre leurs désirs, les questions qui ne passent pas le cap de leurs lèvres, les conflits qu'ils gardent pour eux, les décisions qu'ils prennent dans la solitude de leur conscience.

Tragique, donc. Mais Terre des oublis est aussi un roman de chair, rieur par moments (les morts y fument des cigarettes), qui donne corps aux souffrances de ses héros comme à la campagne et à la ville vietnamiennes.

C'est un conte humain. En noir et couleurs. Tendre. Puissant. Sur l'amour, le destin. Les choix qu'on n'a pas et ceux qu'on fait tout de même. Ses trois personnages principaux, innocentes victimes, racontent un Vietnam sous la coupe d'idéologies, mots d'ordres, faisceaux de règles à suivre.

 

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Livre Hebdo, 12 janvier, ROMAN Vietnam

Bôn, le vietcong, revient de guerre

 

L’intrigue a la simplicité d'une tragédie grecque. Après l'interminable guerre, le héros qu'on croyait mort revient chez lui. Il trouve sa femme avec un autre, mère d'un enfant qui est de l'autre. Sur ce drame vieux comme le monde - mais qui fut bien réel au Vietnam - Duong Thu Huong (née en 1947) signe une oeuvre à la fois très ample et très sobre, où les nuances, la sensibilité, les matières et les par­fums jouent un rôle majeur.

Centré sur les trois personnages, dont celui, magnifique, de Miên, Terre des oublis est bien mieux qu'une chronique villageoise - encore que la plongée dans le Vietnam rural et la reconstruction soit riche en poésie autant qu'en politique. Duong Thu Huong s'attache avec un luxe de raffinements aux nuances psy­chologiques et morales de Miên, de Bôn et de Hoan. Ceux-ci vivent, non seulement un drame intime complexe et profond, mais aussi le choc des mondes. Car la guerre est loin, mal­gré l'interminable rhétorique officielle, le pays change, une autre vie semble possible. Le bon­heur devient une idée neuve au Vietnam.

De façon claire et souple, Duong Thu Huong alterne descriptions et monologues intérieurs, ce qui donne au visible comme au non-dit une force singulière. Son art de suggérer, percevoir et ressentir s'inscrit dans la grande tradition sans s'asservir à la moindre convention. Et l'on comprend que ce grand roman d'amour(s) ait malgré tout fait tiquer la censure. Exclue du Parti, emprisonnée puis mise en résidence sur­veillée à Hanoi, Duong Thu Huong met pro­fondément en cause - douce et très ferme-les mensonges, les faux-semblants et le poids des conventions.

 

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LIVRES JEUNES : JAN. 2006

 

Dans ce roman (d'amour) fleuve aussi envoûtant qu'engagé, Duong Thu Huong mêle avec art et finesse les traditions d'un pays sécu­laire, la force des destins individuels comme collectifs et le sacrifice des principaux personnages au culte de l'héroïsme. ... Une nostalgie poignante et un rythme ensorcelant.

 

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LE MATRICULE DES ANGES – Janvier 2006

Tumultueux Vietnam

Dans ce roman sensuel et cru, vibrant et sombre, Duong Thu Huong nous conte trois vies cruellement bousculées, et réinvente un poignant triangle amoureux.

 

l'auteur nous entraîne dans une prose incroyablement imagée, aux métaphores inventives, une langue généreuse, où les sons de la Nature, ses odeurs et les rémi­niscences qu'elle éveille, se mêlent sans cesse aux sentiments des personnages. La romancière n'en verse pas pour autant dans la préciosité ou la poésie facile : les descriptions des êtres et des lieux frappent au contraire par leur précision, par l'atten­tion au monde dont elles témoignent.

Extrêmement sen­suelle, la langue de Duong Thu Huong ancre chacun de ces trois êtres dans leur vie physique : le corps est présent partout, et il est impossible de fuir ses désirs ou ses failles.

Tout co­habite dans cet ample récit, et le Vietnam le plus prosaïque existe autant que « la jungle au vert délirant, orgueilleux, mépri­sant, un vert féroce, empoisonné» ou que la Nature odorante, enivrante, véritable appel aux sens.

L'existence, semble nous dire Duong Thu Huong, est un flot ininterrompu de sensa­tions et de souvenirs dont nous sommes le siège, où passé et présent se mêlent de fa­çon incontrôlable. Comme tout grand ro­man, Terre des oublis ne se refuse rien réalisme, lyrisme poétique, érotisme, discret ou plus cru, fantastique ; différents re­gistres se succèdent, en un récit prolifique qui nous emporte.

 

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Transfuge 01-02-2006

 

DUONC THU HUONG écrit avec ses sens. Tous ses sens. Entrer dans un de ses livres, c'est entrer dans une forêt. Touffeur et moiteur à chaque page. Odeurs entêtantes et bruits infimes à foison. Des papillons qui volettent, des fleurs qui flamboient, des journées qui se fanent.

La scène est poignante, mais exempte de tout pathos. Mien regarde son destin dans le blanc des yeux. Le cœur est déchiré, mais la tête est droite. Duong Thu Huong sait comme personne décrire les gestes d'un quotidien au bord du naufrage. Un monde crépusculaire où le moindre objet est prêt à tout ins­tant à chavirer vers un point de non-retour.

Madame Thu Huong appelle un chat un chat et des couilles des couilles. Sans fausse pudeur, elle évoque les misères et splendeurs du sexe. Impuissance ou bordel, c'est selon. Le roman livre des scènes d'un érotisme brûlant, toujours délicat. Le corps chaud des femmes s'y déplace, saturant l'espace d'effluves éroti­ques mêlés au parfum légèrement acide des nuques et des aisselles, mais aussi aux senteurs de basilic et de citronnelle échappées de la cuisine. Car Terre des oublis, dans ses somptueuses pages bourrées de couleurs, de sons et d'odeurs, n'oublie jamais de convoquer le quo­tidien. Tout simplement magnifique.