Le rêve réalisé de M. Thomas Piketty : la TVA taxant le Capital.

 

Avertissement

Ce texte repose sur :

1/ http://piketty.pse.ens.fr/fr/Capital21c, (Extraits du livre)

(Les citations [Piketty] dans ce texte proviennent toutes des extraits ci-dessus.)

2/ http://amvc.fr/Damvc/GioiThieu/NQDThong/ThomasPiketty-FR-NQDThong.htm

 

Ce texte relève de l'économie politique en ce sens : il revendique la pensée de Marx dans l'appréhension du monde, le mode de raisonnement dialectique propre à Marx et les concepts marxistes tels qu'ils sont définis dans l'œuvre en français de Marx publiée de son vivant avec son consentement, Marx pratiquant superbement la langue française. C'est donc un texte ouvertement idéologique. Il considère l'être humain comme un tout et non comme la concaténation d'une partie rationnelle, d'une partie sentimentale et d'une partie intellectuelle, ou d'une partie économique, d'une partie sociale et d'une partie politique, e tutti quanti. Et néanmoins, sur chacun de ces terrains, il accepte une confrontation à armes égales.

Dans ce texte, l'adjectif bourgeois(e) est utilisé dans ce sens : théories, concepts, catégories économiques ou comptables largement utilisés de nos jours par la quasi-totalité des économistes, des hommes politiques et des journalistes de tous bords, droite, gauche, ailleurs, indéterminés, qui ont tous ceci en commun : des concepts marxistes, plus ou moins estropiés, sous d'autres noms. Il s'agit donc d'une question de vocabulaire, d'économie de mots et non de jugements de valeurs. Amen.

Les mots écrits de manière peu conventionnelle comme ValeurAjoutée ou CapitalFixe, CapitalConstant, PlusValue, etc. sont des concepts ou catégories de pensée dans les paradigmes bourgeois ou marxiste.

Comme je vais utiliser quelques concepts marxistes, je commence par les situer dans le cadre intellectuel où ils prennent sens : le "modèle" de base du mode de production Capitaliste de Marx, dans sa substantifique moelle.

1/ sous l'angle de la circulation des marchandises (économie de marché) :

A M (A + A'), processus réel aboutissant in fine à :

A A + A' (définition la plus abstraite, la plus générale du Capital, aujourd'hui incarnée par le Capital sous forme financière)

M = Marchandises

A et A' = sommes d'argent.

De la valeur (sous forme Argent) qui génère de la valeur en quantité supérieure (sous forme Argent), l'argent n'étant qu'une des formes de la valeur. Ceci est la partie la plus difficile à comprendre dans la théorie économique de Marx (Contribution à la critique de l'économie politique et Le Capital Tome 1).

2/ sous l'angle de la production "matérielle" :

 

Capitaliste X

achète

production

vend

récupère

A=100€

MoyensDeProduction = CapitalConstant=90€

Produit = ?

marchandises=120€

A + A'=120€

 

ForceDeTravail = CapitalVariable = Salaire=10€

 

 

 

Salarié Y

 

Salaire=10€

 

 

On laisse de côté tous les facteurs exogènes du processus de production… pour examiner la bête nue.

On s'intéresse au Capitalisme industriel et commercial, aussi appelé économie réelle, laissant de côté le Capitalisme financier.

 

A/ au départ le Capitaliste X a une somme d'argent = 100€.

B/ il achète sur le marché des biens et services des choses et sur le marché du travail des gens. Après ces transactions, ses 100€ sont passés dans la poche d'autrui. Il lui reste en main des choses et des hommes. Dont les valeurs sont par exemple :

- CapitalConstant = 90€

- CapitalVariable = 10€

Ces choses et ces hommes sont des formes matérielles de son Capital, comme 100€-papelard étaient une autre forme matérielle de son Capital.

C/ à l'issue du processus matériel de production :

- le Capitaliste X possède un amas de choses appelées Produit. On peut par abus de langage les appeler des marchandises virtuelles pour la raison suivante : ils sont destinés à la vente, mais personne ne peut dire a priori ce qu'ils valent ! On ne le sait qu'au moment de l'achat-vente réelle, si cela a lieu, "PrixDeMarché" oblige.

- les Salarié Y ont reçu et mangé très matériellement leurs Salaire. Les 10€ "avancés" par le Capitaliste X sont définitivement sortis du processus de production et du marché pour s'anéantir dans la consommation des hommes.

D/ néanmoins, en vendant ses Produit, notre Capitaliste récupère une somme d'argent, 120€ par exemple, supérieure à la totalité du Capital qu'il a avancé pour produire. La différence = 20€ est appelé PlusValue.

- le CapitalConstant qui est un amas de choses ne peut de lui-même avoir plus de valeur qu'il n'en contient, il se contente donc de transférer sa valeur aux Produit. Le CapitalConstant est nécessaire à la production de la PlusValue, il ne la produit pas. Le Capitaliste récupère la valeur du CapitalConstant sous la forme d'une partie du prix de vente de la marchandise = 90€.

- le CapitalVariable = 10€, "avancé" par le Capitaliste, a été littéralement mangé par les Salarié. Il ne se retrouve donc pas dans les Produit fabriqués.

- D'où viennent alors les 30€ se trouvant dans les marchandises en plus des 90€ de CapitalConstant ? Du travail des Salarié, car le travail est l'unique créateur de valeurs nouvelles. Supprimez le "marché du travail", il n'y aura plus de Capitalisme, c'est tout. Toutes les querelles théorico-politico-économiques, donc idéologiques, actuelles tournent autour de ce pot.

Il se trouve que, la plupart du temps, les Salarié créent une valeur (30€) supérieure à la valeur de leurs propres ForceDeTravail (10€). C'est cette partie (20€) que Marx appelle PlusValue.

Mais parfois, il n'en est pas ainsi.

a/ En vendant ses Produit, le Capitaliste récupère 100€. Son argent n'est pas devenu du Capital, il a pris des risques et s'est angoissé pour… rien.

b/ En vendant ses Produit, le Capitaliste récupère 95€. Les 10€ de CapitalVariable ayant été bouffés par ses Salarié, il n'a plus que ses yeux pour pleurer les 5€ volatilisés dans leurs estomacs.

Dans les 3 cas, cela ne change rien pour les Salarié. Ils ont vendu leurs ForceDeTravail à leur valeur de marché, pour 10€ donc. Ils ont travaillé, ils ont reçu 10€, les ont bouffés, et sont de nouveau en état de travailler. C'est tout.

Pour le Capitaliste, il en va autrement. Son CapitalConstant, où qu'il l'investisse, ne générera jamais de profit. C'est justement pour cela qu'il faut qu'il le fasse travailler comme on dit, par les Salarié justement. Mais son CapitalVariable générera des profits, des pertes, ou un résultat nul selon le "coût du travail" et sa productivité. Il se trouve qu'avec la mondialisation de l'économie Capitaliste, à quantité et qualité égales, le Capitaliste peut "acheter du travail" dix fois, voire 20 fois moins cher dans certains pays qu'en France. Les délocalisations directes ou indirectes (sous-traitance) ont encore un bel avenir.

E/ Capital, CapitalConstant, CapitalVariable, PlusValue, sont des concepts de base de la théorie marxiste du mode de production Capitaliste. La validité de ces concepts repose sur les argumentations de Marx à propos de l'économie marchande, sur sa théorie de la valeur, du travail, de la "valeur-travail" comme on dit aujourd'hui, e tutti quanti (Contribution à la critique de l'économie politique)[1]. Cette argumentation repose sur un mode de penser que Marx caractérise comme matérialiste et dialectique, une "synthèse" "dépassant" Hegel et Feuerbach. Parfois exprimée avec le jargon hégélien. Ex : la valeur d'usage se réalise dans l'usage, la consommation. E tutti quanti. Dur, dur.

Les différents rapports quantitatifs entre ces concepts sont à la base d'une foultitude d'autres concepts, de "lois"… Exploitation, taux d'exploitation, taux de profit, reproduction simple ou élargie du Capital, accumulation du Capital, et j'en passe… Y compris la fameuse loi sur la baisse tendancielle du taux de profit où, dans une note de travail publié après sa mort par Engels, Marx examine, dans le cadre de la concurrence inter-Capitaliste, l'évolution probable de la composition organique du Capital sous l'effet d'un seul paramètre = la mise en œuvre dans l'économie du savoir scientifique et du savoir-faire technologique dont il parle abondamment lorsqu'il glorifie la mission historique du Capitalisme, (cf. Le Manifeste du PC et d'autres textes). Même sous cette forme étriquée, elle permet de comprendre pas mal de phénomènes contemporains. Ce n'est pas sans raison qu'on y revient et que Piketty la mentionne dans son bouquin.

Bon, assez. Sinon on va m'accuser d'abuser de la célébrité de l'ouvrage de Piketty pour faire de la propagande idéologique marxiste. Je ne retiendrais de Marx que les concepts directement liés aux catégories économiques utilisées par Piketty dans son livre.

 

*

Beaucoup de monde ont rendu un hommage mérité au livre Le Capital au 21e Siècle :

http://piketty.pse.ens.fr/fr/Capital21c, (Extraits du livre)

 

M. Thomas Piketty a étudié sur le long terme (3 siècles) l'évolution en valeur de quelques catégories économiques fondamentales : Patrimoine, PIB, RevenuNational, RevenuDuCapital, RevenuDuTravail, etc., pour un certain nombre de pays et à partir du moment où il est possible de raisonnablement le faire, en s'appuyant sur des sources identifiables, vérifiables et des algorithmes de calcul intégralement consultables. Chapeau ! Homo œconomicus reconnaissant. Désormais, il sera ridicule de bavasser politique ou théorie économique en ignorant son œuvre.

 

"Au final, la World Top Incomes Database (WTID), issue du travail combiné d’une trentaine de chercheurs de par le monde, constitue la plus vaste base de données historiques disponible à ce jour sur l’évolution des inégalités de revenus, et correspond au premier ensemble de sources mobilisé dans ce livre" [Piketty]

Il en retire des observations et des réflexions très mesurées par ailleurs. Certaines intéressent ce texte.

Grossièrement, tout juste pour donner un fil de lecture à ce texte qui s'intéresse à l'inégalité entre RevenuDuCapital et RevenuDuTravail, Piketty constate :

 

Au cours des années 1870-1914, on assiste au mieux à une stabilisation des inégalités à un niveau extrêmement élevé, et par certains aspects à une spirale inégalitaire sans fin, avec en particulier une concentration de plus en plus forte des patrimoines. Il est bien difficile de dire où aurait mené cette trajectoire sans les chocs économiques et politiques majeurs entraînés par la déflagration de 1914-1918, qui apparaissent à la lumière de l’analyse historique, et avec le recul dont nous disposons aujourd’hui, comme les seules forces menant à la réduction des inégalités depuis la révolution industrielle.[2]

[…]

Pour résumer : les chocs du « premier XXe siècle » (1914-1945) – à savoir la Première Guerre mondiale, la révolution bolchevique de 1917, la crise de 1929, la Seconde Guerre mondiale, et les nouvelles politiques de régulation, de taxation et de contrôle public du Capital issues de ces bouleversements – ont conduit à des niveaux historiquement bas pour les capitaux privés dans les années 1950-1960. Le mouvement de reconstitution des patrimoines se met en place très vite, puis s’accélère avec la révolution conservatrice anglo- saxonne de 1979-1980, l’effondrement du bloc soviétique en 1989-1990, la globalisation financière et la dérégulation des années 1990-2000, événements qui marquent un tournant politique allant en sens inverse du tournant précédent, et qui permettent aux capitaux privés de retrouver au début des années 2010, malgré la crise ouverte en 2007-2008, une prospérité patrimoniale inconnue depuis 1913. [Piketty]

En bref : les 2 guerres mondiales au 20e siècle ont contraint les inégalités à se réduire. Mais à partir des années 70, le naturel revient au galop si bien qu'en 2010, on est revenu à la situation d'avant la 1e guerre mondiale, sinon pire.[3]

Il en conclut : si on continue dans cette voie, il y aura peut-être péril en la demeure.

Et il préconise des remèdes dont celle-ci qu'il considère comme une utopie utile : taxer le Capital.

*

Dans ce texte, je veux montrer que d'un point de vue marxiste, dans un discours antiCapitaliste ni convenu ni paresseux, qui n'ignore rien de cet échec historique – mais nullement fondamental pour la pensée économique de Marx – des États soi-disant socialistes au 20e siècle, et qui n'a jamais refusé de se donner les moyens intellectuels de dépasser n'importe quelle théorie sur n'importe quel sujet, son remède est effectivement une utopie inutile, non parce qu'il est inapplicable dans la situation internationale actuelle mais pourrait l'être dans d'autres situations, mais parce qu'il a été déjà appliqué et contenue de l'être tous les jours depuis les années 50 en France et dans le monde. Et n'a rien donné.

*

Les inégalités qui nous intéressent ici concernent les RevenuDuCapital et les RevenuDuTravail.

Dans chaque groupe, il y a des inégalités internes, extrêmement intéressantes, notamment :

- les inégalités à l'intérieur des RevenuDuTravail qui rejoignent une question que j'ai posée par ailleurs : dans le cadre de l'économie politique marxiste, sommes-nous en train d'assister à l'avènement d'une nouvelle classe, celle de CapitalisteFonctionnel, jamais mentionnée en tant que telle par Marx pour la bonne raison qu'elle n'existait pas en son temps. Passons.

- les inégalités entre CapitalisteFinancier et CapitalisteProductif (j'y reviendrais, par ailleurs).

 

Chez Piketty, le sujet dont je traite ici tourne autour des "notion", "concept", "catégorie économique", "catégorie comptable" suivants : TVA, PIB, RevenuNational, RevenuDuCapital, RevenuDuTravail, etc.

- RevenuDuCapital, RevenuDuTravail sont des subdivisions du RevenuNational.

- RevenuNational est calculé à partir du PIB (Revenu Intérieur Brut):

RevenuNational = PIBAmortissementDuCapitalFixe.

- PIB est calculé à partir de la TVA (Taxe sur la ValeurAjoutée).

Il faut aussi tenir compte des relations extérieures. Etc.

Ce texte n'a nulle envie de décrire la réalité des relations économiques dans leur totalité et en détail. C'est le boulot des experts. Je n'en fais pas partie. Ce texte veut expliciter la logique interne de fonctionnement du mode de production Capitaliste et montrer que la TVA est aussi de fait une taxe sur le Capital.

Donc, je laisse de côté le micmac des échanges internationaux ainsi que les interventions de l'État (hors la TVA) qui sont des facteurs exogènes concernant les relations entre les catégories économiques mentionnées.

Par la suite, nous utiliserons les définitions suivantes de L'INSEE :

***

http://www.INSEE.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=99&ref_id=PIB-va-reg

Le produit intérieur brut (PIB) est ce que produit l'économie d'un pays. Il est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes augmentées des impôts sur les produits (TVA, droits de douanes, taxes spécifiques) moins les subventions sur les produits.

http://www.INSEE.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=99&ref_id=pib-va-reg

La valeur ajoutée est la différence entre la valeur des biens ou services produits par une entreprise ou une branche et celle des biens et services utilisés pour la production, dite des « consommations intermédiaires ».

http://www.INSEE.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/consommation-intermediaire.htm

[les consommations intermédiaires] = Valeur des biens et services transformés ou entièrement consommés au cours du processus de production. L'usure des actifs fixes mis en œuvre n'est pas prise en compte ; elle est enregistrée dans la consommation de Capital fixe

***

Pour économiser le verbiage et simplifier l'examen du problème qui nous intéresse, qui est d'ordre théorique, nous prendrons d'abord pour exemple un cas réduit à la plus simple expression du processus de production de ValeurAjoutée., la production dans un secteur ne nécessitant pas de CapitalFixe.

Au niveau national qui n'est rien d'autre qu'un cumul des valeurs générées au niveau des Entreprise.

PIB = ValeurAjoutée + TVA (niveau national)

Au niveau Entreprise

ValeurAjoutée = PrixDeVenteTTC – ConsommationIntermédiaire (contribution au PIB par une entreprise)

ConsommationIntermédiaire = Valeur des Produit achetés par l'Entreprise et entièrement consommés au cours du processus de production.

L'usure du CapitalFixe mis en œuvre n'est pas prise en compte dans le traitement de la TVA.

Dans ce texte :

ValeurAjoutée (niveau national) = Somme des ValeurAjoutée des Entreprise

TVA (niveau national) = Somme des TVA générées par les Entreprise

e tutti quanti.

Nous nous intéressons aux catégories économiques en elles-mêmes pas à leur sommation.

***

Tous les calculs ci-dessus débutent de fait avec le calcul de la TVA. Le processus de recouvrement de la TVA par l'État sert de fait à calculer la ValeurAjoutée. La ValeurAjoutée sert à calculer le PIB. Le PIB sert à calculer le RevenuNationnal, le RevenuNational sert à calculer le RevenuDuCapital et le RevenuDuTravail. De fait, le RevenuDuTravail n'a pas besoin de tout ce bazar idéologique. Il est = somme des Salaire dans les feuilles de paie.

Je commencerais donc par l'étude de la TVA.

Je vais singer la démarche "scientifique" qu'a adoptée Piketty : partir de faits (réels et non de séries statistiques) constatables, vérifiables et, quel bonheur ! reproductibles à volonté :

- un ticket de caisse

- un processus de recouvrement de la TVA conforme à la loi.

Voici un ticket de caisse.

 

http://www.logiciel-caisse-gratuit.com/wp-content/uploads/2013/08/screen-snack-6.jpg

 

Il est étonnant. Il énonce, mais à rebours, la définition de la TVA. La TVA est définie comme une taxe qu'on applique sur la valeur nouvellement créée par l'Entreprise dans la production d'un Produit, sur sa ValeurAjoutée. C'est donc un % sur ce qui existe : 0.2 * X, par exemple.

Mais quand on observe la pratique de l'État pour recouvrer la TVA, il en va autrement : il est impossible de calculer directement la valeur d'un quelconque pourcentage sur quelque chose qui soi-disant existe, TVA = 0.2 * X.

Parce qu'on est parfaitement incapable de déterminer a priori X, la ValeurAjoutée. X est une inconnue.

Il faut évaluer la ValeurAjoutée à partir d'autre chose : PrixDeVenteTTC

C'est le sens profond de la définition :

ValeurAjoutée = PrixDeVenteTTC – ConsommationIntermédiaire

Malheureusement, tant qu'on n'a pas vendu le Produit, on ne connaît pas sa ValeurDeMarché ! C'est aussi une inconnue.

Donc, le processus réel de recouvrement de la TVA par l'État est le suivant :

 

PrixDeVenteTTC

ConsommationIntermédiare

ValeurAjoutée

TauxDeTVA

TVA

Y

120

X

0.2

0.2*X

 

ConsommationIntermédiare et TauxDeTVA sont des constantes.

Entre ces 5 facteurs, il existe par définition INSEE la relation suivante :

Y - 120 = X + 0.2X = X(1 + 0.2)

Y = 1.2X

X= Y/1.2

Nous nous retrouvons devant un problème à 2 inconnues et nous n'avons pour le résoudre qu'une seule équation. Impossible donc. Pourquoi ?

Pour une raison liée au principe de base sans lequel toutes les théories à propos de l'économie de marché ne font que mouliner du vent : les marchandises hétéroclites qui s'y trouvent s'échangent à quantité de valeurs égales.

Ce principe signifie :

a/ malgré leur hétérogénéité, les marchandises sont commensurables, admettent une unité de mesure commune, sont "de même nature" en quelque sorte. Pourquoi ?

- La question a été posée par Aristote. Sa conclusion ? Impossible. Et il refusa de spéculer. C'est la marque d'un grand penseur !

- Absolument rien sauf le fait qu'elles sont toutes produites par du temps de travail humain. D'où la notion de ValeurTravail admise par quasiment tous les économistes depuis Ricardo à nos jours.

b/ malheureusement, en économie politique, ValeurTravail est un concept creux tant qu'on n'arrive pas à définir un moyen pour la quantifier. On pourrait tout juste en rigoler ou faire de la poésie : un Spectre hante le Capital, la ValeurTravail. Hè hè.

c/ Marx s'est livré à 10 années d'études et de réflexion pour proposer une définition de la ValeurTravail que je juge la plus rationnelle. Hélas, cette définition implique l'impossibilité de calculer a priori la ValeurTravail d'un Produit : la valeur d'un Produit, c'est le temps de travail général, abstrait, en quantité socialement nécessaire pour le produire dans des conditions déterminées d'une époque déterminée. S'il en est ainsi, c'est uniquement à travers une transaction sociale que j'ai une petite chance de la quantifier. Comme toujours, le seul moyen de sortir de ce genre d'impasse intellectuelle, c'est d'agir. Comme dit l'autre, "L'acte précède la pensée", Hè hè.

J'emmène mon Produit au Marché. Je le propose pour un prix = 360€. Si quelqu'un l'achète, la ValeurDeMarché de mon Produit, indéniablement, est = 360€.

Si finalement je m'en débarrasse pour 300€, tout aussi indéniablement la ValeurDeMarché de mon Produit = 300€.

S'il en est ainsi déjà pour ValeurDeMarché d'un Produit entier, il faut rêver pour espérer déterminer a priori la valeur d'un bout de ce Produit, sa ValeurAjoutée

Une fois le Produit vendu, Y devient une constante. Le calcul de X devient un jeu d'enfant.

Dans l'exemple ci-après, je présente un même phénomène vu sous 4 points de vue :

- marxiste, à travers des concepts propres à Marx

- bourgeois, à travers des catégories comptables bourgeoises qui comportent

- le point de vue de l'Entreprise encore appelé le Capitaliste. Un peu abusif certes, mais totalement justifié : on ne s'intéresse qu'à deux catégories, RevenuDuCapital et RevenuDuTravail.

- le point de vue de l'État

- le point de vue du Salarié

 

Pour lire les 12 Notes explicatives ci-après, il vaut mieux les imprimer sur 2 feuilles de papier et les lire tout en regardant le tableau Excel originel ci-joint dans : TVA-Taxant-Capital-Automate.xlsx.

 

Notes

Taux TVA =

0.20

 

 

01

Capital =

170.00

 

 

 

Marx

INSEE

 

Micmac TVA

 

CapitalConstant

Facteurs de production

 

 

02

CapitalConstant_Amortissable

CapitalFixe

0.00

 

02_1

CapitalConstant_ConsommationIntermédiaire

ConsommationsIntermédiaires

120.00

20.00

 

CapitalVariable = Salaire

FacteurTravail

50.00

 

03

PrixDeRevient_TTC

 

170.00

 

 

 

 

 

 

04

PrixDeVente_TTC

 

 

360.00

05

PrixDeVente_HTVA

 

 

300.00

06

TVA versée à l'État

 

 

60.00

07

RecetteDeEntreprise

 

320.00

 

08

ProfitDeEntreprise

 

150.00

 

 

TauxDeProfit

 

88%

 

09

ValeurAjoutée_TVA_Incluse

 

240.00

 

 

TVA perçue par État sur ValeurAjoutée par l'entreprise

 

40.00

 

 

ValeurAjoutée

 

200.00

 

 

 

 

 

 

10

PIB

 

240.00

 

 

 

 

 

 

11

PlusValue

 

190.00

 

12

TauxDeProfitMarxiste

 

112%

 

 

Notes

01 – Les cellules jaunes contiennent des données externes au cycle matériel de production que vous pouvez modifier.

          Les cellules oranger contiennent des données internes au cycle matériel de production

Les cellules bleues contiennent des valeurs calculées

Les cellules vertes contiennent des concepts marxistes

La cellule rouge contient la TVA payée par l'Entreprise aux fournisseurs lorsqu'elle achète ses MoyensDeProduction qualifiés de ConsommationIntermédiaire.

La cellule grise contient CapitalFixe bourgeois = une partie du CapitalConstant marxiste ignoré dans le calcul de la TVA, d'où sa valeur = 0.

02 – Marx décompose le Capital investi en CapitalConstant (achat des MoyensDeProduction qui sont des choses) et CapitalVariable (achat de ForceDeTravail qui sont des hommes).

Les MoyensDeProduction comportent :

a/ des équipements lourds dont l'utilisation peuvent durer des années. À chaque cycle de production, ces MoyensDeProduction ne transfèrent qu'un pourcentage de leur valeur dans Produit. Je les nomme CapitalConstant_ amortissable. Ils correspondent au CapitalFixe dans la comptabilité bourgeoise. Dans le calcul de la TVA, cette partie du CapitalConstant n'est pas pris en compte. Pour nous simplifier la vie, nous choisissons une Entreprise dont l'activité ne nécessite pas de CapitalConstant_Amortissable, d'où sa valeur = 0€.

b/ des Produit achetés par le Capitaliste et entièrement consommés par un cycle de production. Ces Produit, je les appelle CapitalConstant_ConsommationIntermédiaire. Il correspond à ConsommationIntermédiaire dans l'une des trois manières de calculer La TVA de L'INSEE.

Le CapitalVariable marxiste est appelé FacteurTravail dans le vocabulaire INSEE, dans l'une des trois manières de calculer La TVA de L'INSEE.

02_1 : le prix d'achat d'une partie des MoyensDeProduction marxiste, appelés ConsommationIntermédiaire par L'INSEE, est de 120€ TTC, dont 20€ de TVA. Les 20€ sont prélevés par le fournisseur des ConsommationIntermédiaire auprès de l'Entreprise ayant acheté ces ConsommationIntermédiaire et transmis à l'État. Ils sont donc déjà taxés.

Le prix de vente du Produit fabriqué par l'Entreprise contient les 20€ ci-dessus. Pour éviter de taxer la TVA en cascade, à chaque étape du processus de production, l'État taxe la ValeurAjoutée cumulée jusqu'à l'étape en cours et reverse à l'Entreprise ces 20€ qui représentent la valeur cumulée de la TVA perçue dans les étapes antérieures. Tel est le discours officiel.

03 – Le prix de revient de tout ce que le Capitaliste a acheté pour produire est bien un prix TTC : en recevant les ConsommationIntermédiaire commandés, il sort bien de sa caisse le total TTC à payer.

PrixDeRevientTTC = ConsommationIntermédiaire + CapitalVariable (= Salaire)

04PrixDeVenteTTC. Il est saisi à la caisse lors de la vente. C'est seulement à cet instant précis qu'on connaît la ValeurDeMarché du Produit fabriqué et proposé à la vente. C'est donc à partir de PrixDeVenteTTC qu'on déduit PrixDeVenteHTVA et le montant de la TVA !

Ce tripatouillage très réel est à l'envers du discours définissant la TVA !

05PrixDeVenteHTVA = PrixDeVenteTTC/(1+Taux-de-TVA)

06TVA = PrixDeVenteTTC - PrixDeVenteHTVA

07RecetteDeEntreprise = PrixDeVenteTTC TVA versée à l'État + TVA restitué par l'État au titre des achats des ConsommationIntermédiaire

08ProfitDeEntreprise = RecetteDeEntreprise - PrixDeRevientTTC

09 –ValeurAjoutée_TVA_Incluse = PrixDeVenteTTC - CapitalConstant_ConsommationIntermédiaire

 

Commentaire : dans le calcul de la TVA, l'État considère que le Salaire ou CapitalVariable = 50€, est une ValeurAjoutée.

A raison : le CapitalVariable a déjà été bouffé par le Salarié, il ne peut pas être transmis au Produit fabriqué. La valeur équivalente retrouvée dans le Produit vendu est bien une valeur nouvellement créée par le Salarié.

Mais du point de vue du Capitaliste, c'est bien une partie du Capital qu'il a avancé.

Comme c'est une somme d'argent anonyme, chacun lui attribue le nom qui lui convient. Finalement force reste à la loi : il est taxable.

10 – Contribution de l'Entreprise au PIB = ValeurAjoutée + (TVA perçue par État sur ValeurAjoutée créée par l'Entreprise).

Évidemment, ce n'est qu'une autre manière de présenter le PIB conformément à la définition de L'INSEE, car tout a été calculé à l'envers de ce discours à partir d'une donnée saisie à la caisse et du TauxDeTVA.

11PlusValue = ProfitDeEntreprise + (TVA perçue par État sur ValeurAjoutée créée par l'Entreprise)

Commentaire : la PlusValue produite par le Salarié est ensuite partagé entre le Capitaliste et l'État. Point final. Les 2 catégories comptables bourgeoises ne sont que des décompositions de la catégorie économique marxiste appelée PlusValue.

la PlusValue marxiste est inférieure au PIB. La différence correspond au… Salaire ou CapitalVariable !

PIB = PlusValue + CapitalVariable 

12TauxDeProfitMarxiste = PlusValue / Capital. Marx calcule le rendement réel du Capital avant le partage du gâteau ! C'est tout

Naturellement, TauxDeProfitMarxiste > TauxDeProfit

*

Le tableau Excel TVA-Taxant-Capital-Automate.xlsx est en lui-même un automate qui permet :

- de vérifier la cohérence des transcriptions des catégories marxistes en catégories comptables bourgeoises.

- de simuler l'impact de la variation d'un paramètre sur les résultats. Il suffit de saisir manuellement la valeur d'un paramètre pour observer l'impact sur les données calculées du "modèle".

Voyons ça.

1/ Variation du TauxDeTVA, toute chose étant égale par ailleurs.

 

TauxDeTVA

TauxDeProfit

TauxDeProfitMarxiste

0.0

112%

112%

0.2

88%

112%

0.4

71%

112%

 

Commentaires :

A/ En supprimant la TVA (TauxDeTVA=0) : TauxDeProfit = TauxDeProfitMarxiste

Cela signifie que la transcription des catégories économiques marxistes en catégories comptables bourgeoises est cohérente.

B/ TauxDeProfitMarxiste = 112% dans tous les cas.

Cela signifie :

- le modèle de base du mode de production Capitaliste de Marx décrit une relation fondamentale (hors intervention externe de l'État) du couple Capital-Travail, du couple Capitaliste-Salarié.

- toute autre description cohérente d'un cycle de production Capitaliste n'est qu'une décomposition des catégories économiques marxistes en sous-catégories auxquelles on donne à l'avenant les noms qui vous arrangent.

Bien sûr, cet exemple ne suffit pas : il n'intègre que peu de catégories économiques (PIB, TVA, e tutti quanti) mais non des moindres !

Il repose sur le cas particulier d'une production ne nécessitant pas de CapitalFixe.

Il faudrait vérifier cette assertion avec d'autres exemples significatifs. Par exemple :

- en intégrant le traitement comptable des amortissements qui concerne directement le CapitalConstant. Voir ci-après.

- en intégrant l'impact du Capital financier.

- e tutti quanti.

C/ variation du TauxDeProfit en fonction du TauxDeTVA.

L'augmentation du TauxDeTVA entraine systématiquement la diminution du TauxDeProfit. Et vice-versa.

Cela fait plus de 30 ans en France que Droite et Gauche au pouvoir s'échinent à muscler l'Entreprise, c'est-à-dire à l'aider à augmenter le rendement du Capital, son TauxDeProfit. Cela s'appelle joliment : relancer la croissance par l'offre ou politique néo-libérale, e tutti quanti.

Hé bien, le moyen existe et il est applicable dès demain : baisser le TauxDeTVA.

Quitte à le faire, allons-y gaiement : TauxDeTVA = 0. On réalisera d'un coup la synthèse miraculeuse suivante : relancer la croissance par l'offre et par la demande (augmenter le pouvoir d'achat des Salarié, politique Keynésienne, s'il en est).

Il est fort à parier qu'avec le TauxDeProfit qui en découle, les investisseurs vont se précipiter vers les Entreprise. Celles-ci vont :

- vendre leur Produit bien moins cher pour gagner des parts de marché, viser le monopole, e tutti quanti.

- investir pour développer leurs productions, partant, de créer des emplois, de relancer la demande.

Dans le même temps, le bon peuple galvanisé par l'aubaine va dépenser plus, incitant les Entreprise à investir davantage pour capter la nouvelle demande.

La demande relance l'investissement, l'investissement crée des emplois et relance la demande.

Tout le monde se retrouvera au paradis sur terre. C'est ce qu'on appelle, dans le langage des gourous économiques, un cercle vertueux.

Malheureusement, il y a un hic : l'État n'aura plus de sous pour payer ses fonctionnaires sauf en :

- empruntant sur "les marchés financiers" et augmenter la dette publique. Hè hè.

- taxant sauvagement les revenus des Salarié. Mais alors, ils n'auront plus d'argent pour acheter les Produit (surproduction, classique du marxisme). Hè hè.

- en licenciant tous ses fonctionnaires et ramener la France au Capitalisme sauvage. Hè hè.

- e tutti quanti.[4]

 

2/ Variation du PrixDeVenteTTC, toute chose étant égale par ailleurs.

TauxDeTVA = 0.2

 

Notes

PrixDeVenteTTC

ValeurAjoutée

TVA

PIB

ProfitDeEntreprise

TauxDeProfit

PlusValue

TauxDeProfitMarxiste

A

360

200

40

240

150.00

88%

190

112%

 

200

66.67

13.33

80

16.67

10%

30

18%

B

170

41

8.33

50

-8.33

-5%

0

0%

C

120

0

0

0

-50

-29%

-50

-29%

D

100

-16.67

-3.33

-20

-66.67

-39%

-70

-41%

 

Notes

A/ La diminution du PrixDeVenteTTC provoque la diminution du TauxDeProfit et du TauxDeProfitMarxiste.

 Cela se conçoit aisément.

B/ Cependant, lorsque PrixDeVenteTTC = Capital investi = 170€

on observe l'anomalie réjouissante suivante :

- PlusValue = TauxDeProfitMarxiste = 0 : normal, on n'a pas fait de bénéfice, c'est tout.

- Pour notre Capitaliste, il en va autrement : il a investi = 170€, il a vendu ses Produit = 170€, il se retrouve avec une perte de 8.33€ et un TauxDeProfit négatif = -5%.

Que signifie ce tour de sorcellerie ?

Hé bien, l'État considère que le Salaire = CapitalVariable (totalement mangée par le Salarié au cours du processus matériel de production) est une ValeurAjoutée, il est donc taxable. L'État taxe donc quelque chose qui n'existe pas en tant que ValeurAjoutée par rapport aux valeurs qui préexistaient au cycle de production, une valeur ajoutée imaginaire en somme ! Il se paye sur le CapitalVariable qui existait bel et bien avant le cycle de production. Avec son mode de calcul à l'envers, l'État aboutit à ce genre d'incohérence.

C/ lorsque PrixDeVenteTTC = CapitalConstant = 120€

on retombe sur nos pieds : le CapitalVariable appelé aussi FacteurTravail ou Salaire a été intégralement mangé par le Salarié. L'État n'a plus rien à se mettre sous la dent.

Les effets sur les autres données sont identiques, qu'on utilise le vocabulaire marxiste ou le vocabulaire comptable bourgeois, l'effet TVA ne jouant plus aucun rôle.

D/ lorsque PrixDeVenteTTC = 100€

on aboutit à une incongruité : ValeurAjoutée, TVA, PIB sont tous négatifs !

Néanmoins, le PIB négatif qui en découle n'est pas sans intérêt. Il signifie qu'après avoir mangé le CapitalVariable, l'État commence à mordre sur le CapitalConstant ! Ce n'est pas inenvisageable. On peut même sauver l'Entreprise de la faillite. Il suffirait à l'État ou à la BCE de lui prêter de l'argent à taux 0 et de lui emprunter ce même argent à un taux d'intérêt de 5%, voire plus. Cela est déjà arrivé avec les banques…

 

Conclusion 1

Le CapitalVariable étant taxable, d'une manière ou d'une autre, l'État taxe le Capital à chaque transaction commerciale.

Pire : la TVA s'applique sur la ValeurDeMarché du Produit. Cette valeur comporte :

- n% du CapitalConstant_Amortissable transmis au Produit

- Consommations Intermédiaires (=CapitalConstant_ConsommantionIntermédiaire)

- Salaire (=CapitalVariable)

- PlusValue

Les ConsommationIntermédiaire sont explicitement exclus du calcul de la TVA.

Mais le CapitalFixe n'y échappe pas ! Le Capitaliste le récupère bien à travers les micmac d'amortissement traités à part, après qu'il ait été taxé, et s'il y a encore quelque chose à "récupérer".

En prélevant la TVA, l'État taxe aussi le CapitalFixe, à chaque transaction Achat-Vente à la ValeurDeMarché.

Le rêve de Piketty est déjà réalisé depuis les années 50 quand la TVA a été inventée et mise en œuvre en France.

En voici, ci-dessous, la démonstration avec l'automate TVA-Taxant-Capital-Automate.xlsx :

Au lieu de singer le modèle bourgeois (si modèle il y a) du mode de production Capitaliste, explicité par le calcul de la TVA applicable à tous les Produit vendus, avec des concepts marxistes estropiés, mais néanmoins juste pour le cas d'une production ne nécessitant pas de CapitalFixe, intégrons cette TVA à sa place dans le modèle de base du mode de production Capitaliste dans lequel le CapitalConstant comporte aussi le CapitalFixe bourgeois, autrement dit : pour fabriquer ses Produit, le Capitaliste doit faire des investissements lourds permettant par exemple d'acheter des machines dont l'usage dure plus d'un cycle de production, disons 5 ans. Supposons que le cycle de production = 1 ans.

Soit X = PrixAchat_TTC de cette machine, attestée par la facture du Fournisseur et le virement bancaire du Capitaliste au Fournisseur.

Chaque année, cette machine transmet aux Produit le 5e de la valeur de son PrixAchat_TTC.

Ô, miracle ! L'État, par la loi, a autorisé l'amortissement de ce genre de matériel en… 5 ans ! [5]

Le tableau Excel TVA-Taxant-Capital-Automate.xlsx suffit pour en prendre acte : il suffit d'attribuer une valeur X > 0 au CapitalConstant_Amortissable ou CapitalFixe.

Pour TauxDeTVA = 0.2 = 20% et PrixDeVenteTTC = 360, voilà ce que cela donne.

Dans le "modèle bourgeois", comme nous l'avons montré, rien ne bouge, la valeur du CapitalFixe n'entrant pas en compte dans le calcul de la TVA.

Il en va autrement dans le modèle marxiste qui prend en compte le CapitalFixe dans ce calcul, tout bonnement parce que c'est la réalité : il figure bien dans la ValeurDeMarché du Produit

 

"modèle" bourgeois (TVA)

modèle marxiste (TVA)

 

Notes

ProfitDeEntreprise

TauxDeProfit

CapitalFixe

ProfitDeEntreprise

TauxDeProfit

TauxDeProfitMarxiste

1

150

88%

0

150

88%

112%

2

 

 

100

50

29%

33%

3

 

 

190

-40

-24%

0%

 

Notes

1/ CapitalFixe = 0

Peu importe le vocabulaire, les résultats sont identiques pour ProfitDeEntreprise et TauxDeProfit.

2/ Capital fixe = 100

Dans le modèle marxiste, ProfitDeEntreprise et TauxDeProfit chutent considérablement : le modèle marxiste n'ignore pas que la TVA porte sur la ValeurDeMarché du Produit – la valeur des ConsommationIntermédiare, c'est-à-dire sur CapitalFixe + CapitalVariable + Plus-Value.

3/ CapitalFixe = 190

Cela signifie que la totalité du Capital investi dans la production de Produit dans un cycle de production matérielle = 360€.

Comme la vente à la ValeurDeMarché a rapporté 360€, le TauxDeProfitMarxiste = 0%.

Néanmoins notre pauvre Capitaliste, par la grâce de la TVA, a essuyé des pertes = 40€ et un TauxDeProfit négatif !

Il se consolera, à travers le micmac de l'amortissement dans la comptabilité bourgeoise en récupérant son CapitalConstant sur RecetteDeEntreprise = 320€.

Mais, au total, il a bel et bien perdu 40€. Cette somme = la TVA que l'État a prélevé lors de la vente du Produit !

Cela signifie : les économistes bourgeois peuvent bavasser à satiété de la ValeurTravail et de l'ÉconomieDeMarché, ils n'y comprennent rien. Pour eux :

- ValeurTravail est un concept "théorique", un "axiome", quelque chose qu'on accepte sans discussion pour… d'innocentes et vaines discussions… de salon. Les éventuelles chamailleries sur son sujet ne sont que spéculations qui ne portent pas à conséquences. C'est peut-être pourquoi ils en discutent peu : il faudra trancher entre les définitions que Ricardo et Marx ou d'autres en donnent. Mais pourquoi faire ? Ce n'est pas avec ce genre d'élucubrations qu'on peut espérer le Nobel ou avoir du prestige dans la considération des hommes politiques, des détenteurs du pouvoir économique ou des média de notre temps !

- ValeurDeMarché est une donnée naturelle : on la constate sur le terrain, c'est tout.

Entre les deux, il n'y a aucun lien exprimable et vérifiable. C'est tout dire. Hè hè.

 

Examinons l'impact de la variation du PrixDeVenteTTC

 

Variation du PrixDeVenteTTC, toute chose étant égale par ailleurs.

TauxTVA = 0.2

CapitalConstant = 100

PrixDeRevient_TTC = 270

 

Notes

PrixDeRevient_TTC

PrixDeVenteTTC

ValeurAjoutée

TVA

PIB

ProfitDeEntreprise

TauxDeProfit

PlusValue

TauxDeProfitMarxiste

1

270

360

200

40

240

50

29%

90

33%

2

270

270

125

25

150

-25

-15%

0

0

3

270

200

66,67

13.33

80

-83.33

-49%

-70

-26%

 

Notes

1/ PrixDeVenteTTC - PrixDeRevient_TTC = PlusValue = 90€

90€ > 40€ : il y a de quoi payer la TVA et récupérer un profit de 50€. Inutile d'aller fouiner plus loin.

2/ PrixDeVenteTTC - PrixDeRevient_TTC = PlusValue = 0€

L'Entreprise paye quand même TVA = 25€ et essuie une perte de 25€ et un TauxDeProfit négatif !

3/ PrixDeVenteTTC - PrixDeRevient_TTC = PlusValue = -70

L'Entreprise a vendu à perte = 70€, elle paye quand même TVA = 13.33€ et essuie une perte de 83.33€ !

Cette perte dépasse la perte due à : PrixDeVenteTTC - PrixDeRevient_TTC = -70

La différence correspond à la TVA.

Cela signifie : après avoir avalé le CapitalVariable, la TVA mord sur le CapitalFixe qui est censé ne pas être concerné par la TVA.

Néanmoins, l'Entreprise a toute de même contribué pour 80€ au PIB !

 

Conclusion 2

L'État Capitaliste est censé protéger le Capital, "outil de travail" qui doit être exonéré de l'ISF, Mitterrand dixit. Il le fait effectivement, à une condition : le Capital doit le nourrir. Si le Capital n'y arrive pas en produisant une PlusValue suffisante, le Capitaliste le paiera de sa poche, quitte à faire faillite. Comme quoi la mission de L'État Capitaliste est de protéger la classe Capitaliste et non un Capitaliste en particulier, Marx dixit. Sauf si ce Capitaliste particulier s'appelle Peugeot, Renault, BNP ou SG, e tutti quanti ! Hè hè.

 

Conclusion 3

Science économique, comptabilité, idéologie

La technique comptable, en elle-même, est neutre. Ce n'est qu'une mécanique de double écriture servant à inscrire et vérifier aisément la saisie des flux de valeurs : peu importe leur signification, "la balance doit être carrée".

La mise en œuvre de cette mécanique pour gérer l'économie n'est pas neutre : toutes les catégories comptables portent un nom qui véhicule un sens pour les hommes. Elles sont toutes définies par des hommes pour traduire une certaine (et parfois incertaine) vision de la réalité, une certaine idéologie. C'est pourquoi elles sont toutes imposées par des lois, elles-mêmes créées par des hommes dans le cadre d'un État politique, d'une idéologie, e tutti quanti. Une superstructure idéologique en somme (Marx).

Exemple.

Les catégories comptables RevenuDuCapital et RevenuDuTravail[6] établissent une égalité formelle entre le détenteur réel des MoyensDeProduction et le propriétaire réel d'une ForceDeTravail qui crèvera réellement de faim dès demain s'il n'arrive pas à la vendre. Évoquer la liberté, l'égalité, la justice, la démocratie, l'intérêt général, l'intérêt commun dans ces conditions, c'est se faire plaisir avec des mots, des maux qui peuvent écraser voire tuer très réellement des hommes. Aujourd'hui même.

Ces catégories comptables ont une fonction idéologique : masquer la logique de fonctionnement du mode de production Capitaliste, l'exploitation sans merci de l'homme par l'homme à travers des échanges de marchandises, dont l'homme lui-même.

Que l'exploitation de l'homme par l'homme sous des formes variées, depuis la forme esclavagiste jusqu'à la forme salariée, soit une nécessité historique pour développer la production en quantité et qualité ainsi que la civilisation qui s'appuie sur ce développement, tout le monde doit en convenir[7]. C'est Marx lui-même qui l'a énoncé. Qu'elle reste "nécessaire" aujourd'hui, et pour quelques temps encore, j'en conviens, quoique… Pour combien de temps ? On n'en sait rien, mais l'unité de compte n'est certainement pas le quinquennat, la décennie, ma vie, mais le siècle. Les modes de production prennent tant de temps à naître, mûrir et périr ! Ayant admis cela, vaut mieux regarder les réalités en face, en discuter aussi sereinement que faire se peut, et ne pas perdre son temps à habiller le mode de production Capitaliste avec des oripeaux style liberté, égalité, justice, équité, démocratie, progrès partagé, responsabilité, rationalité, scientificité, e tutti quanti. Tout cela n'a rien à voir avec lui. Il n'y a qu'à regarder ses actes en France, dans ses colonies ou néocolonies, dans ses relations tous azimuts avec des États aussi démocratiques que la Chine et la Russie d'aujourd'hui, e tutti quanti.

Croire que des bilans comptables puissent apporter de l'objectivité scientifique à une théorie économique explicite ou implicite est une niaiserie.

Néanmoins, par sa rigueur mécanique, la comptabilité retient un aspect quantitatif fiable (en ce qui concerne les erreurs de saisie et d'écriture) d'un certain nombre de phénomènes vus sous un certain angle. Elle peut aider à justifier ou à contredire de manière plus ou moins convaincante telle ou telle théorie économique. Tout réside dans la définition des catégories comptables. Que valent-elles pour décrire la réalité des rapports humains pour produire et reproduire leurs conditions d'existence dans des conditions historiques déterminées ?

 

Conclusion 4

Science, Économie, Idéologie.

Piketty, mathématicien de formation, est parfaitement conscient du gouffre qui sépare sciences dures et sciences molles. Il sait aussi que les données économiques ne sont pas des données naturelles, qu'elles résultent aussi de décisions politiques. Il a donc pris un grand soin à distinguer :

- la partie scientifique de son œuvre : l'établissement des faits.

 Il en résulte deux énormes banques de données mises à la disposition de tout un chacun. Et leurs traitements statistiques.

[http://amvc.fr/Damvc/GioiThieu/NQDThong/ThomasPiketty-FR-NQDThong.htm]

- les interprétations qu'il en tire et les propositions qu'il préconise pour résoudre certains problèmes qui minent notre société.

- les justifications, forcément idéologiques, pour ces propositions sur la base de ces interprétations

C'est tout à son honneur : il avance à visage découvert. On éprouve un humain plaisir à le lire : il ne cherche pas à tromper, à se tromper.

Il n'est pas sûr qu'il ait bien mesuré le gouffre qui sépare sciences dures et sciences molles.

J'ai écrit quelque part[8] que la "nature" en elle-même n'est pas scientifique. C'est le discours qu'un homme tient à son propos qui l'est ou ne l'est pas. Et il l'est ou ne l'est pas pour un autre homme qui :

- possède des compétences égales ou supérieures (dans le cadre d'une culture, d'un paradigme comme on dit) à celles du discoureur dans un domaine du savoir et peut donc comprendre ce que le discoureur veut dire.

- est capable de vérifier de manière incontestable que les raisonnements proposés par le discoureur sont, à peu de chose près, exact.

Dans les sciences dures, cela peut être assez simple : passons dans mon labo, reproduisons les phénomènes que vous décrivez et vérifions les résultats.

Dans des cas plus difficiles où il n'est pas possible de reproduire les phénomènes, on peut procéder autrement : d'après votre théorie, on peut prédire qu'à tel moment à venir, l'éclipse totale de la lune par la terre se produira et sera visible de tels endroits sur terre pendant tant de minutes. Attendons voir.

En économie, c'est impossible. Pourquoi ?

Parce que les humains, à la différence des animaux, appréhendent le monde avec des mots. Ces mots ont un sens défini par autrui. Ce sens s'impose à moi et à mes semblables dès que nous l'utilisons pour penser. Ils peuvent charrier des interprétations ou des choix de valeurs, c'est-à-dire de l'idéologie.

En physique, ces mots portent sur les relations de la matière avec elle-même, le discours de l'homme à l'homme porte sur les relations de la matière à la matière. Ces relations ont l'amabilité de se moquer de ce que les hommes pensent d'elles. D'où leur "objectivité". Même dans ce cas de figure, il a fallu à peu près deux siècles pour que les hommes se mettent d'accord sur la définition de concepts physiques du genre "force", "énergie" et, aujourd'hui encore, il faut être physicien pour savoir vraiment de quoi on parle.

En économie politique, ce discours porte sur des relations spécifiquement humaines. Ces relations-là dépendent de ce qu'en pensent les hommes ! Vous et moi ! Par conséquent, dès la phase d'établissement des faits, qui sont tout de même le fait des hommes et non des faits de la nature, nous sommes déjà en plein dans les interprétations et les idéologies.

Voici 2 exemples parmi d'autres dans l'ouvrage de Piketty, qui ne constituent en rien une attaque contre son ouvrage que j'apprécie à sa juste valeur, du moins je l'espère. Simplement un essai pour comprendre comment nous tous raisonnons et comprenons le monde en lisant les discours qui égaient notre morne intelligence économique : d'abord avec la pensée d'autrui.

1/ TVA

La TVA a été décrite comme une taxe sur la consommation : elle est intégralement payée par le consommateur final. C'est "vrai" :

- elle sort de la poche du consommateur.

- dans son mode de calcul, on voit que le CapitalConstant_ConsommationIntermédiaire en est exclus.

- le CapitalConstant_Amortissable n'y figure même pas. C'est comme s'il n'existait pas dans le cycle de production de la TVA.

On tient donc la TVA comme telle. Et c'est faux. Car la TVA ne devrait s'appliquer que sur la ValeurAjoutée contenue dans le Produit vendu ! Or la ValeurDeMarché du Produit comporte non seulement du CapitalVariable et du CapitalConstant_ConsommationIntermédiaire mais aussi un certain pourcentage du CapitalConstant_Amortissable. La TVA porte donc aussi sur le CapitalConstant_Amortissable puisqu'il n'est pas explicitement exclus de son calcul. Elle est payée par le consommateur à la place du Capitaliste. La contrepartie ? Elle diminue d'autant ses bénéfices, son taux de profit. On l'a vérifié ci-dessus.

2/ Amortissement du CapitalFixe

"Le revenu national est étroitement relié à la notion de « produit intérieur brut » (PIB), souvent utilisée dans le débat public, avec toutefois deux différences importantes. Le PIB mesure l’ensemble des biens et services produit au cours d’une année sur le territoire d’un pays donné. Pour calculer le revenu national, il faut commencer par soustraire du PIB la dépréciation du capital qui a permis de réaliser ces productions, c’est- à-dire l’usure des bâtiments, équipements, machines, véhicules, ordinateurs, etc., utilisés au cours d’une année. Cette masse considérable, qui atteint actuellement de l’ordre de 10 % du PIB dans la plupart des pays, ne constitue en effet un revenu pour personne : avant de distribuer des salaires aux travailleurs, des dividendes aux actionnaires ou de réaliser des investissements véritablement nouveaux, il faut bien commencer par remplacer ou réparer le capital usagé. Et si on ne le fait pas, alors cela correspond à une perte de patrimoine, donc à un revenu négatif pour les propriétaires."

[Piketty]. C'est moi qui souligne.

Déridons-nous un peu. Examinons la richesse conceptuelle propre aux discours économiques contemporains.

"L'usure des bâtiments…" est un phénomène physique incontestable, incontournable. Si je veux continuer à utiliser ces bâtiments pleinement, je dois les réparer. C'est ce que je fais en réparant la clôture de ma maison. Certes, ce travail améliore la qualité d'usage de ma maison. Il exige de moi pas mal de sueur mais ne me rapporte aucun revenu au bout de n'importe quel cycle de production. D'ici que je revende ma maison, cette clôture aura le temps de se détériorer maintes fois. Maintes fois, je la réparerais. Mais je ne suis pas assez fou pour espérer en tirer hors inflation un prix = prix d'achat + la valeur-travail des travaux que j'ai engagés pour la maintenir en bon état. Ma clôture, comme ma maison, est bien un patrimoine. Mais ce n'est pas un Capital : il ne me rapporte rien à l'issue d'un quelconque cycle de production.

"La dépréciation du Capital" serait-elle aussi un phénomène physique, un phénomène naturel ? Bien sûr que non : le Capital n'existe pas à l'état de nature. C'est une relation sociale, une valeur.

Telle est la "substantifique moelle épinière" de la marchandise : un phénomène à double face. En tant qu'objet physique, elle a peut-être une valeur d'usage pour quelqu'un d'autre que moi (Marx-Engels). C'est la raison pour laquelle il est prêt à me l'acheter. Dès qu'il l'achète, l'objet acquiert pour nous une Valeur au PrixDeMarché. L'acheteur consomme l'objet pour satisfaire ses besoins naturels. L'objet en tant que tel disparaît de la nature, sa Valeur itou (en fait, elle n'y est plus car elle est passée dans ma poche ! ) Si l'acheteur revendait l'objet à sa ValeurDeMarché à un autre acheteur, il retrouve une somme d'argent qui ne fait que remplacer l'argent dont il s'est séparé : la circulation des marchandises ne crée pas de PlusValue. C'est le cas du CapitalConstant, sous forme CapitalFixe ou ConsommationIntermédiaire, peu importe.

Point final. Pour l'économie de marché en tout cas.

C'est le sens trouble mais réel et profond des pronoms indéfinis employés ici : il faut bien…, si on… : un lien trouble, indéfini entre phénomène naturel et phénomène social qui permet, au besoin, de les confondre, de rendre incontournable une relation sociale non nécessaire sous le masque d'une relation matérielle absolument nécessaire.

"avant de distribuer des salaires aux travailleurs, des dividendes aux actionnaires ou de réaliser des investissements véritablement nouveaux […]"

Au moment dont parle Piketty, celui où le Capitaliste récupère l'amortissement d'une partie de son CapitalFixe, le Salaire des travailleurs a déjà été totalement digéré dans leur estomac, il n'y a plus rien à leur distribuer et, effectivement, le Capitaliste ne leur distribue rien. Autrement, ils n'auraient pas pu travailler ni reproduire sous forme de nouvelles marchandises une partie de la Valeur du CapitalFixe avancé, la Valeur de leur propre ForceDeTravail et une PlusValue ; l'Entreprise n'aurait dès lors pas un sou en banque pour amortir ou distribuer quoi que ce soit. Ici, le raisonnement de M. Piketty relève de la poésie surréaliste.

Tel est le propre d'un raisonnement dialectique. Dans ce mode de raisonnement, tout est en mouvement, rien n'existe en dehors du temps. Le Salaire, peu importe celui qui l'avance (dans notre société actuelle, c'est toujours le salariés qui fait cette avance car il ne le reçoit qu'après avoir travaillé) existe avant la fin du cycle matériel de production, qui existe avant la vente des Produit, qui existe avant la masse d'argent destinée à amortir le CapitalFixe, distribuer les dividendes, réaliser des investissements véritablement nouveaux, e tutti quanti.

Comme on le voit, la pensée économique de Marx n'est pas si dépassée que ça lorsqu'on cherche à comprendre ce que les mots veulent dire !

*

Avant d'en discuter, je montrerai que le Capital est in fine produit par les Salarié.

Voyons comment, selon Marx, se reproduit le Capital en termes de valeur.

 

Reproduction simple du Capital

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Capital

CapitalConstant = 100€

CapitalVariable = 50€ (*)

PlusValue = 50€

(*) CapitalVariable inclut le Salaire du Directeur Général embauché pour gérer L'Entreprise, le Capitaliste ne faisant rien.

Au bout de 3 cycles de production le Capitaliste a mangé les 150€ qu'il avait avancés.

Pourtant il reste propriétaire de 150€ de Capital !

Ces 150€ ne tombent pas du ciel. Ils ont été Produit par le Salarié.

C'est bête comme chou.

 

 

Reproduction élargie du Capital

 

 

Pris d'un accès d'ascétisme et d'héroïsme, notre Capitaliste, saturé d'aventureuses angoisses, décide de ne pas toucher à la PlusValue qui lui revient de droit et prend le risque de la réinvestir dans son Capital.

Toute chose étant égale par ailleurs, voici le résultat :

 

Cycle

Capital

PlusValue

TauxDeProfitMarxiste

1

150.00

50.00

0.33

2

200.00

66.67

3

266.67

88.89

4

355.56

 …

 

Après 3 cycles de production, notre Capitaliste, sans se salir les mains, se retrouve à la tête d'un Capital plus de 2 fois supérieur à son Capital initial… L'esprit d'aventure et les angoisses endurées par notre Capitaliste, franchement, ne sont pas mal payés !

Marx appelle ce processus AccumulationDuCapital. Sauf contraintes externes, exogènes, il est en principe infini.

Heureusement il existe des contraintes endogènes : l'économie politique ne se résume pas à des flux de valeurs. Elle implique directement, inextricablement, les hommes sans qui il n'existe ni Valeur, ni Capital, ni PlusValue, les hommes qui créent ces valeurs et/ou qui en héritent, qui se battent entre eux pour se l'approprier (concurrences interSalarié et interCapitaliste incluses). Cela peut aboutir à des… luttes de classes sous une forme ou une autre, des émeutes, des guerres, de l'indignation, etc., ou des… révolutions. Mais c'est une "autre" histoire.

Ainsi, le Capital est un être social (c'est de la philo marxiste, à croire ou pas) non seulement parce que pour le mouvoir (le faire travailler, lui faire engendrer du profit) il faut recourir au travail coordonné de nombreux individus, mais aussi et peut-être surtout, parce qu'il est lui-même produit par le travail associé de nombreux individus.

*

Les machines s'usent à l'usage, il faut donc les remplacer au bout d'un certain temps si on veut continuer à produire. Inattaquable : c'est un phénomène physique observable, voire mesurable. Dans la réalité, c'est l'État qui décide de ce qui est amortissable sur combien d'années.

Comment procède-t-on pour amortir l'usure des machines ?

Hé bien en remettant dans la poche du Capitaliste une partie de la Valeur issue de la vente des nouveaux Produit. Nouveaux en ce sens : des objets conçus et fabriqués pour satisfaire des besoins ou des goûts concrets spécifiques, des cafetières électroniques à partir de la ferraille par exemple. Cela s'appelle innovation

S'appuyant sur une relation physique indiscutable de la matière à la matière, Piketty entérine sans justification un choix idéologique : le droit de propriété privée ad æternam sur la Valeur des MoyensDeProduction qui, comme je l'ai montré, est entièrement produite par les Salarié, le droit éternel de s'approprier les Valeurs produites par autrui. Ce serait un fait naturel…

Cela se conçoit. Une fois que Piketty a entériné sans discussion et raisonne avec les concepts de RevenuDuCapital et RevenuDuTravail, où le RevenuDuTravail ne sera à jamais que le Salaire, c'est-à-dire la valeur au prix du marché de la ForceDeTravail dans "le marché du travail", et ce, quel que soit le taux d'usure du CapitalFixe, tout le reste allant au RevenuDuCapital, la messe est dite et une taxe sur le Capital tourne à la plaisanterie : le Capitaliste l'intégrera dans ses calculs comme une charge supplémentaire de même nature que la TVA qui en elle-même est déjà une taxe sur le Capital, les intérêts dus à ses emprunts divers et variés, et la répercutera sur les prix de vente de ses Produit.

Il n'est pas sûr qu'il arrive à les vendre et se muscler en ce faisant ! Amen.

*

Un débat idéologique qui en vaut la peine

Comme je l'ai dit, Thomas Piketty est un auteur qui s'avance à visage découvert. Il ne daigne pas masquer ses choix de valeurs, son idéologie donc, derrière des discours pseudo-scientifiques. Il l'expose sans fioriture :

"Je fais partie de cette génération qui est devenue adulte en écoutant à la radio l’effondrement des dictatures communistes, et qui n’a jamais ressenti la moindre tendresse ou nostalgie pour ces régimes et pour le soviétisme. Je suis vacciné à vie contre les discours anticapitalistes convenus et paresseux, qui semblent parfois ignorer cet échec historique fondamental, et qui trop souvent refusent de se donner les moyens intellectuels de le dépasser. Cela ne m’intéresse pas de dénoncer les inégalités ou le capitalisme en tant que tel – d’autant plus que les inégalités sociales ne posent pas de problème en soi, pour peu qu’elles soient justifiées, c’est-à-dire « fondées sur l’utilité commune », ainsi que le proclame l’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (cette définition de la justice sociale est imprécise, mais séduisante, et ancrée dans l’histoire : adoptons- la pour l’instant ; nous y reviendrons).

[Piketty] C'est moi qui souligne.

Piketty se plait à évoquer la "loi" de l'accumulation du Capital et la "loi" de "la baisse tendancielle du taux de profit" de Marx. Quel scandale ! Ressusciter la pensée "dépassée" d'un auteur du 19e siècle, que l'Histoire a d'ailleurs déjà jeté dans sa poubelle, dans le monde scientifique d'aujourd'hui !

Il n'est pas étonnant qu'un Monsieur effarouché par une telle outrecuidance ait traité son ouvrage de "marxisme de sous-préfecture". C'est heureux qu'il n'ait pas tout bonnement traité Piketty de cryptocommuniste et exigé de le traduire devant un tribunal de notre bourgeoise démocratie d'opinion. Piketty a donc de bonnes raisons et la prévoyance de clore d'avance le bec à ces irrités dès l'Introduction de son ouvrage pour ne plus y penser. Sage décision : il y consumerait sa vie, innombrables étant les procapitalistes convenus, paresseux, zélés, voire honteux et/ou cyniques.

D'aucuns juge sa pensée pragmatique. Ce n'est pas sans raison : Piketty ne veut pas se laisser emprisonner par des théories si prestigieuses soient-elles, il veut comprendre en partant des faits, attitude scandaleusement "matérialiste" (philo), interpréter de lui-même ces faits pour en tirer des conclusions à ses risques et périls.

On peut comprendre son texte ci-dessus ainsi :

Faute de mieux, tout compte fait, nous disposons aujourd'hui d'un système socio-économico-politique sans équivalent, qui a marché et qui, cahin-caha peut-être, marche toujours.

a/ il a développé la production des biens et services à un niveau incomparable dans l'histoire humaine.

b/ dans le passé, il a (ou contribué à) provoqué des souffrances inouïes et quelques catastrophes également incomparables dans l'histoire humaine.

c/ mais il a aussi montré qu'on peut l'amadouer, le mettre au service de l'humanité (30 Glorieuses).

d/ actuellement, il risque de déconner à nouveau, tâchons de corriger ses défauts pour le remettre au service de l'humanité.

Le tout parce que, en fin de compte, il a une utilité commune qui justifie le maintien de son existence et nos efforts pour l'améliorer.

Je profite du conseil négatif de Piketty dans le texte ci-dessus en le niant dialectiquement à la manière éthérée de Hegel pour qu'il devienne positif : je me donne, dans la mesure de mes moyens bien sûr, les moyens intellectuels de le dépasser, c'est-à-dire de conserver ce qui est toujours valable (pour moi, bien sûr) de l'analyse qu'a fait Marx du mode de production Capitaliste, pour aller plus loin dans mes élucubrations, ne serait-ce que sous la forme d'une interrogation.

Le vieux croûton marxiste à la mémoire chancelante que je suis devenu souscrit entièrement aux propositions a/, b/,c/.

Quant à la proposition d/, elle me fait rire. Jaune, j'en conviens, et j'en souffre : si seulement elle était envisageable…

Depuis que le système Capitaliste n'a plus d'opposants significatifs, ni de l'extérieur (le monde entier, y compris les pays dits communistes en dehors de la Corée du Nord et de Cuba, se précipite corps et âme dans l'économie de marché Capitaliste), ni de l'intérieur (voir la galerie ubuesque des hommes politiques de gauche au pouvoir en Europe, y compris MM. Schröder jadis, François Hollande aujourd'hui, e tutti quanti), il n'y a plus rien qui puisse l'amadouer et corriger ses défauts, "son âme vivante". C'est ça, "l'analyse concrète d'une situation concrète" (V.I. Lénine).

Rien n'étant éternel en ce bas-monde comme dans l'univers dans son expansion[9], que se passe-t-il lorsque :

1/ le système socio-économico-politique qui a marché se met à dérailler et nous plonger dans des cul-de-sac intellectuels du type "la Crise" qui explique et justifie tout et son contraire, sans que nous puissions comprendre de quoi on parle ?

2/ l'utilité commune se réalise comme nuisance commune ? (sur le plan langagier, c'est du Hegel, dont je ne suis pas un adepte, mais enfin, tant qu'il sert, pourquoi pas ? Hélas ! )

3/ l'intérêt général se réalise comme intérêts particuliers ?

Peut-on considérer comme utilité commune (de qui ?) et intérêt général (de qui ? ) :

Pour le passé :

- des siècles de colonialisme avec ses violences, ses atrocités, son exploitation sans merci des hommes et de la nature, son mépris des indigènes, son racisme, ses morts, e tutti quanti.

- la traite des noirs, l'exploitation des esclaves, notamment aux États-Unis.

- l'exploitation du travail des enfants aux 18e – 19e siècles européen, et de nos jours dans une partie non négligeable de l'humanité ?

- les conditions d'existence des ouvriers décrites par Zola et quelques autres, autrefois en Europe mais aussi dans le monde d'aujourd'hui ?

- Les répressions, les guerres coloniales, néocoloniales et impérialistes avec leurs dizaines de millions de morts ? (cf. le Manuel d'Histoire Critique du Monde Diplomatique)

- les guerres impérialistes mondiales du 20e siècle et leurs cortèges d'horreurs de masse, les 2 bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki ?

- e tutti quanti ?

Et pour le présent, en France même, est-ce d'utilité commune et d'intérêt général :

- les 3,3 millions de chômeurs sur une population totale, vieillards et enfants inclus, de 65,5 millions de Français (2013) ?

- qu'un homme ou une femme en âge de travailler sur dix soit sans travail et survive de la "charité publique" ?

- le fait que plus de la moitié des foyers fiscaux sont si pauvres qu'ils sont exonérés d'impôt sur le revenu ?

- le mépris écœurant des élites politiques de droite et de gauche pour la plèbe gauloise et assimilée ?

- les suicides sur les lieux du travail, les bouffées de colère, les "émeutes" sociales incompréhensibles qui se banalisent ces derniers temps ?

- le désespoir, la honte, le mépris de soi, la haine des autres, le racisme, qui alimentent la renaissance du fascisme en France et en Europe ?

- le mensonge, les tromperies érigés en système de com qui tient lieu de parole politique à coups d'éléments de langages ? Exemple : le Président socialiste François Hollande entérinant les exigences du MEDEF d' « un pacte national de croissance et d’emploi » sous un autre nom : "Pacte de responsabilité…"

- la méfiance, le mépris d'une majorité de citoyens vis-à-vis de la totalité de la "classe politique" ?

Et, pour le présent, à travers le monde,

- les ravages écologiques dans l'exploitation des ressources de la planètes

- cerise sur le gâteau, le risque d'une 3e guerre mondiale, peu importe la forme, qui a peut-être déjà commencé ?

 

- e tutti quanti

 

Avant de conclure quoi que ce soit sur ce sujet, imitons la démarche de Piketty.

Dressons à la manière des sciences naturelles une liste aussi exhaustive que possible de l'utilité commune du Capitalisme, positive et négative, aujourd'hui, avant de nous lancer dans une querelle idéologique de toute façon inévitable.

Il ne sera peut-être pas prouvé qu'il vaille la peine de vouloir le guérir de sa substantifique moelle avec une taxe sur le Capital. C'est peut-être une pure et simple impossibilité. Concrète.

 

Conclusion 5

Des nombres et des choses. Méthodogie dans le domaine de l'économie politique.

Le tableau sur la Reproduction élargie du Capital, ainsi que les tableaux comptables d'ailleurs, offre une vision purement abstraite du processus réel : on n'y voit que des nombres et des relations entre ces nombres. Vu sous cet angle, le processus est bien sûr infini comme le monde des nombres. Mais du  coup ces nombres ne signifient plus rien. Pour qu'ils reprennent sens, il faut les ré-intégrer dans le monde réel dont ils sont extraits. Ce monde-là est fini car il se réduit au monde où se déroule le commerce des hommes. Ainsi, la production de la PlusValue, la reproduction du Capital se réalisent dans le processus matériel de production. Dans ce contexte :

1/ Le Capital-Constant est nécessairement fini, limité. Cette appellation fait référence à un amas de choses. Sa limite "absolue" est, pour le moment, la totalité des ressources de la planète Terre, quelle qu'en soit la forme matérielle originelle ou transformée par l'homme. Le jour où les hommes iront exploiter la belle Lune qui enchante nos paisibles nuits, il sera temps d'élargir cette limite.

2/ Le Capital-Variable est nécessairement fini, limité. Cette appellation fait référence à une masse d'hommes. Sa limite "absolue" est la totalité des hommes en état de travailler, voire de travailler conformément aux contraintes technologiques des moyens de production, d'échange, de gestion dans chaque secteur de l'activité économique des hommes de notre époque. Cette limite est atteinte chaque fois qu'un pays traverse une période de "plein emploi" où pour conserver les salariés adéquats, le moyen le plus persuasif est d'augmenter leur salaire. Donc de modifier la CompositionOrganiqueDuCapital, son taux de profit, de rendement, e tutti quantti.

On peut appeler cela "limites endogènes d'un mode de production".

Seule la méthode de penser dialectique permet de percevoir et de comprendre les processus humains dans leur triple dimention, matétrielle, vivante et intellectuelle.

 

Conclusion 6

"Le concret est concret parce qu'il est la synthèse de multiples déterminations, donc unité de la diversité. C'est pourquoi il apparaît dans la pensée comme procès de synthèse, comme résultat, non comme point de départ, bien qu'il soit le véritable point de départ et par suite également le point de départ de la vue immédiate et de la représentation. La première démarche a réduit la plénitude de la représentation à une détermination abstraite; avec la seconde, les déterminations abstraites conduisent à la repro­duc­tion du concret par la voie de la pensée."

https://www.marxists.org/francais/marx/works/1857/08/km18570829.htm

L'ouvrage de Piketty relève de la macro-économie. Il s'appuie sur l'observation "directe" des "faits" macro-économiques à travers des catégories comptables au niveau national.

Le prélèvement de la TVA relève de la micro-économie. Il repose aussi sur l'observation directe des faits, mais à travers des concepts abstraits tels que Valeur, ValeurDeMarché, ValeurAjoutée, etc.

Seule la macro-économie retient en elle la "totalité" des déterminations réelles aboutissant au phénomène concret constaté, par exemple le PIB. La macro-économie, prise isolément, ne peut être qu'expérimentale si elle se veut opérationnelle plutôt que se réduire à des discours creux.

Seule la micro-économie permet de comprendre la logique interne du processus de développement qui constitue la base essentielle aboutissant au phénomène concret constaté.

Tant qu'on n'arrive pas à réaliser une synthèse décemment quantifiable de ces deux approches, on n'a pas encore vraiment compris de quoi on parle.

Les économistes marxistes non convenus et non paresseux ont tout intérêt à faire ce travail : intégrer la totalité des comptabilités d'entreprise et nationale dans un cadre conceptuel marxiste pour en détecter les incohérences. Cela les aiderait peut-être un jour à proposer une politique économique compréhensible, cohérente, applicable et efficiente dans le contexte des États réels d'aujourd'hui : d'une part parce que "ça marche" plus ou moins, même si on ne comprend pas très bien pourquoi, même si dans certains cas, des idéologues patentés en tirent des conclusions et des remèdes qui mettent systématiquement à genoux des pays et des populations entières, remèdes du FMI, de la BCE et de Commission européennevis-à-vis des pays endettés, par exemple ; d'autre part parce que, qu'ils le veuillent ou non, c'est bien sur la base des appareils d'État actuels, c'est-à-dire des centaines de milliers voire des millions d'hommes, que débutent leurs actions. Amen.

 

2014-11-21

 

 



[1] Attention la "valeur-travail" de Marx n'est en aucun cas assimilable à la "valeur-travail" de Ricardo et des économistes contemporains ! C'est triste de devoir le dire !

[2] Avant cette déflagration, dans sa querelle avec Kautsky, Lénine avait affirmé : l'analyse de la situation économique ne permet qu'une conclusion : les guerres impérialistes sont inéluctables, il faut s'y préparer et en profiter pour conquérir le pouvoir. Il a eu raison. Sans doute parce que Lénine a défini la dialectique marxiste ainsi : "la substance même, l'âme vivante du marxisme : l'analyse concrète d'une situation concrète" [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1920/06/vil19200612.htm]. N'oublions pas qu'à cette époque économie signifie économie politique.

[3] Que le lecteur me pardonne. Je souffre autant que lui de l'obscurité du langage commun dont j'hérite ici. De quelle inégalité parle-t-on ? De l'inégalité dans la répartition du Patrimoine National entre citoyens d'une même nation ou de l'inégalité entre RevenuDuCaptital et RevenuDuTravail ? Hé bien, des deux, dans ce sens : l'inégalité entre RevenuDuCapital et RevenuDuTravail permet de renforcer l'inégalité de Patrimoine et vice-versa. Il y a une relation organique entre Patrimoine et Capital dont nous ne discuterons pas dans ce texte.

[4] Déridons-nous un peu. Imaginons l'éventualité suivante qui n'est pas intrinsèquement imaginaire puisque certains États l'ont mise en pratique avec quelque succès dans le passé récent.

a/ On y va gaiement en empruntant sur "les marchés financiers".

b/ Au bout d'un certain temps, c'est tout l'art de la politique, on décrète : j'efface ou je restructure les dettes publiques, les dettes des entreprises vis-à-vis du capital financier.

C'est sûr,

- les capacités de production matérielle des entreprises restent les mêmes.

- le cercle vertueux se transforme aussitôt en spirale ascendante magique.

- quelques capitalistes financiers risquent de suicider. La majorité n'en mourra pas.

- une foultitude de petits porteurs vont se sentir lésés.

c/ je fais le tri parmi les petits porteurs :

- ceux qui ont spéculé recueillent le fruit mérité de leurs spéculations.

- Ceux qui n'ont pas spéculé eux-mêmes, par exemple  les cotisants aux fonds de retraite aux États-Unis dont les PDG ont spéculé. On leur restitue une retraite raisonnable hors spéculation financière.

d/ aux "capitaines d'industrie", aux capitalistes fonctionnels, on leur dit : il y a plein d'hommes irremplaçables dans les cimetières ; je vous propose tous les moyens nécessaires à votre action, tous les honneurs dû à un grand commis de l'État, et un salaire = 10 ou 20 fois le SMIG. Si vous n'en voulez pas, allez voir ailleurs si j'y suis.

Il n'est pas sûr que le pays et les entreprises sombrent aussitôt dans le chaos !

 

[5] C'est pour rire un peu. Quand on prend au sérieux la comptabilité bourgeoise, il faut bien, de temps en temps, se dérider et… rigoler car, tout de même, elle tape notre portefeuille. Hè hè.

 

[6] Reconnaissons-le, c'est du beau style ! De si jolis concepts nous amènent assez spontanément à croire en ce conte surréaliste : deux hommes libres et égaux en droits se rencontrent et s'associent librement pour gagner ensemble de l'argent, chacun apportant ce qu'il possède :

- le Capitaliste apporte 100€ de Capital

- le salarié apporte sa ForceDeTravail qui, sur le marché du travail, vaut 10€

A l'issue de cette libre association, chacun reçoit ce qui lui revient : Revenu du Capital et Revenu du Travail. Incontestablement, c'est du grand style !

Quelle belle romance ! Elle passe sous silence quelques plaisanteries salées :

- une fois le contrat de travail signé, le salarié cesse d'être libre de son temps et de son activité : tant d'heures par jour, par semaine, par mois, à faire ce qu'on lui ordonne de faire. Tout et n'importe quoi, au besoin. Ex, chez Orange : demander à un "vieux" physicien en recherche-développement, de plus de cinquante ans, à se transformer en gérant d'une boutique de smartphones, d'abonnements, e tutti quanti. Sinon, c'est la porte ou le suicide en perspective. Cela s'appelle capacité d'adaptation, mobilité, flexibilité du travail, e tutti quanti. Point final.

Quant à l'égalité, les lois sur le statut de salarié sont sans ambiguïté : pour pouvoir profiter des divers droits sociaux associés à ce statut, il faut qu'un homme prouve sa dépendance, sa subordination vis-à-vis d'un patron. Les chômeurs en savent quelque chose.

- les valeurs nouvellement créées le sont par le salarié et lui seul. Mais il n'en reçoit que des miettes : son Salaire. En fin de compte, le salarié se paye sur ce qu'il a lui-même produit. C'est justement pourquoi, malgré le fait qu'il ait bouffé les 10€ de Salaire, le Capitaliste récupère quand même la totalité du Capital avancé, 100€ = 90€ de CapitalConstant + 10€ de CapitalVariable ou Salaire. Plus un profit !

- supposons que le salarié ose tenir ce raisonnement :

OK, nous nous sommes librement associés pour gagner de l'argent ensemble et partager équitablement les bénéfices de cette association. Vous avez apporté 100€ de Capital. J'ai apporté 10€ de ForceDeTravail. On a récupéré 120€. Vous récupérez votre apport de 100€ en Capital. J'ai déjà récupéré mon apport de 10€ en Salaire. Partageons le bénéfice de 20€ en proportion des apports de chacun.

On le traiterait de fou. Pourquoi ? Cette belle romance sombrerait en cacophonie. Ou en lutte des classes.

 

[7] La démocratie athénienne elle-même repose sur un mode de production esclavagiste. D'où un intéressant débat sur les relations entre infrastructure économique et superstructure politique.

[8] Penser librement, Chronique Sociale, Lyon 2000.

[9] et même au-delà, Bouddha dixit.