Bacchanales17-Ly Hoang Ly-1

Train de nuit

 

J'entends la voix de la nuit crier, cahoter

Je l'entends haleter

le train de nuit

 

Les voies parallèles

M'enfoncent dans la nuit

Soudain curieux

Combien de kilomètres la nuit a t-elle ?

Résolu à ne pas m'endormir

Je tente de la mesurer

Soudain

Mes paupières tombent

La nuit se fond dans mon sommeil

Au matin

Le soleil envahissant soulève brusquement mes paupières

Les voies parallèles restent infinies

Le train a traversé la nuit

Je me retourne

La nuit est restée derrière

 

Et je ne sais toujours pas

La nuit est longue, mais de... combien...

De kilomètres éperdus

1995

Ly Hoang Ly

Traduite par Phan Huy Duong

 

 

Sculpture

 

Je pince la guitare

De mes doigts caleux

On dit que jouer de la guitare rend le coeur malade

 

Je regarde la chambre éclairée par une lampe rouge

quatre mètres carrés

 

Trois femmes d'une vingtaine d'années

 

L'une git

Près d'un paquet de lettres de son amant - au bord des larmes

Son premier amour vient de se briser

douleur sans baume

 

l'autre sourit, plissant légèrement ses lèvres

Et regarde vaguement au plafond

une toile d'araignée

 

Vaguement, elle regrette

d'avoir un amant

un homme

collé à ses basques...

 

La troisième

Lève les yeux, contemple la pluie au-delà de la fenêtre

Boum bourn

La guitare

Accompagne

De son écho

 

Je pince la guitare, elle résonne, rythmée

Distraitement, regardant la pluie passer devant la porte

On dit que jouer de la guitare rend le coeur malade

Ceux qui ont le coeur malade

ont très peur

de devoir un jour aimer

Ne serait-ce qu'une seule fois aimer

et puis mourir

 

Je pince la guitare

Egrène le chant d'amour, Roméo-Juliette

Pour moi-même. Et pour qui ?

La lumière rouge tremble

Dans la nuit, sous un crachin interminable

Sur quatre mètres carrés

Avec trois jeunes femmes

1995

Ly Hoang Ly

traduite par Phan Huy Duong